"Mon pote, t'as ouvert l'Église de façon extraordinaire." Voilà ce que Guy Gilbert, aussi appelé le "curé des loubards", a l’intention de dire vendredi au pape François, qui lui fait l’honneur de le recevoir. Mieux, il va célébrer une messe avec le pape dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe. Une visite en forme de récompense : 2015 marque en effet un double anniversaire pour le prêtre-éducateur, ses 80 ans, qu'il fêtera samedi, et ses 50 ans de sacerdoce.
"Il a des paroles d'une vérité qui bouleverse". Ce n'est pas la première fois que le plus connu des prêtres français de terrain rencontre un pape. Il a été accueilli par Jean-Paul II puis par Benoît XVI, mais François, pour lui, c'est différent : "On n'a pas besoin de cinq dictionnaires pour le comprendre, il a des paroles d'une vérité qui bouleverse bien au-delà des chrétiens." Guy Gilbert, lui, a bouleversé le clergé par son look et son attitude.
"L'Église était assez estomaquée par ce vocabulaire". Ordonné prêtre en 1965, le père Gilbert a très vite adopté le look et le verbe des gens de la rue auprès desquels il a choisi de vivre. "Ma parole n'a pas de limite, elle jaillit de mon coeur", fait-il valoir. Au début, "l'Église était assez estomaquée par ce vocabulaire, mais elle a pris l'habitude". Elle a dû aussi composer avec son blouson de cuir bardé de pin's, ses bagues, ses santiags. Et ses cheveux longs qui lui avaient attiré une remarque de son archevêque à Alger, Mgr Duval. "Je lui ai répondu : ‘écoute, t'as pas un cheveu sur le caillou, moi j'en ai trop. Fifty-fifty, restons-en là’", s'amuse-t-il. Tout Guy Gilbert dans cette réplique.
Il s’occupe de jeunes "foutus à la porte de partout". S’il s’est engagé si tôt, c’est parce que, enfant, il "ne pouvai[t] pas supporter que quelqu'un souffre." C'est ce qui l'a poussé à transformer une ruine provençale des gorges du Verdon en centre ayant accueilli, depuis 1974, des centaines de jeunes "foutus à la porte de partout", pour leur permettre une réinsertion sociale. La "bergerie de Faucon", une "institution laïque" tient-il à préciser, se maintient aujourd'hui grâce aux aides publiques, aux droits d'auteur tirés de sa quarantaine de livres, aux dons surtout. "Ce sont les gestes des petits, pas des grosses sommes, qui m'émerveillent."
Tolérant sur le mariage homosexuel. Un look et un activisme qui ne l’empêche pas de rester dans la ligne de l'Église, sur l'avortement et l'euthanasie par exemple. Il est en revanche beaucoup plus ouvert que ses congénères sur le sujet du mariage pour tous : "je bénis les motos, les maisons, les chiens, et on ne peut pas bénir les homos ? Nous n'avons pas à juger ce qu'ils vivent !", tranche-t-il. Des propos qui rappellent le désormais fameux "Qui suis-je pour juger?" du pape. Les deux hommes devraient bien ‘entendre.