Plus fort que les pétitions ? Le boycott en ligne. C’est le pari de Levent et Bulent Acar, les deux co-fondateurs français d’ I-boycott.org, une nouvelle plate-forme en ligne de boycott qui sera lancée mercredi 1er juin. "Nous sommes parti d’un constat, la plupart des scandales proviennent des multinationales mais celles-ci jouissent d’une certaine impunité. Pourtant dans une société de consommation nous avons un pouvoir extraordinaire qui est le pouvoir d’acheter ou non", explique à Europe 1 Levent Bucar. "Le boycott permet de toucher le portefeuille et l’image de marque des entreprises." Cette plate-forme doit offrir à chaque citoyen le pouvoir d’interpeller les entreprises dans une action collective.
Comment ça marche ? Des campagnes argumentées sont lancées sur la plate-forme en ligne contre les entreprises jugées "polluantes", "irresponsables","non respectueuses du droit du travail", etc. Pour être validées, elles ne doivent pas dénigrer l’entreprise, la diffamer ou la discriminer.
Les citoyens peuvent alors soutenir en ligne la campagne de boycott, et dans le même temps boycotter dans les faits en refusant d’acheter tel ou tel produit. "C’est un contrat moral", précise le co-fondateur. Si la campagne atteint un nombre d’adhérents minimum, un mail est envoyé à l’entreprise par I-boycott pour l’informer de la campagne et lui offrir un droit de réponse. "La réponse ou la non réponse de l’entreprise est relayée aux participants qui vont ensuite voter pour lever ou non leur boycott", complète Levent Bucar.
Qui peut participer ? Tous les citoyens peuvent participer à des campagnes de boycott lancées dans un premier temps par l’équipe de la plate-forme puis par des associations. D’ici à l’automne, les citoyens devraient pouvoir eux-mêmes créer des campagnes.
Qui sont les fondateurs de I-boycott ? Deux frères "qui partagent la même motivation éthique" sont à l’origine de cette initiative : Levent Acar, un consultant informatique de 28 ans, également dessinateur engagé et Bulent Acar, étudiant en école de management à Lyon.
Est-ce un concept nouveau ? Les initiatives citoyennes 2.0 sont nombreuses. "Cela date des usages politiques du web", constate Erik Neveu, professeur de Science politique à l’IEP de Rennes. Mais les pétitions en ligne connaissent récemment un bel engouement. Celle contre la loi Travail sur la plateforme Change.org a recueilli plus 1,3 million de signatures, celle demandant la démission du cardinal Barbarin plus de 77.000. "Il est rare qu’une pétition seule amène à un changement mais cela peut servir de baromètre. Si elle est signée dans un lieu public cela peut aussi être un moyen de créer le dialogue", pointe Erik Neveu.
Le boycott, lui, se pratique depuis 150 ans. "Dans les années 1970-80, un boycott s’est organisé contre les oranges Outspan pour refuser l’Apartheid en Afrique du Sud, cela a été relativement efficace. Cela peut amener les firmes à prendre des engagements auprès des consommateurs, même si ces engagements ne sont pas toujours suivis dans les faits." Pour le professeur en sciences politique, la plate-forme I-boycott "n’est pas un concept sans précédent" mais elle peut être un outil pratique pour assurer le suivi d’une campagne de boycott ou synchroniser des campagnes.
Reste que pour être efficaces, "les campagnes devront se focaliser sur des cibles qui suscitent l’indignation ou dont l’enjeu est sensible" ajoute Erik Neveu. A trop être sollicités, les consommateurs pourraient ne plus savoir à quel boycott se vouer.
Boycott ou Buycott ?
On connaît le boycott, un peu moins le buycott, développé notamment par les applications carottmob.org ou buycott.com. Le principe : permettre au consommateur de savoir, lorsqu’il fait ses courses, si le produit qu’il souhaite acheter correspond à ses valeurs. On invite ainsi le citoyen à consommer certains produits plutôt que d'autres moins "équitables", moins "responsables" etc. L’inverse du boycott en quelque sorte !