C'est un drame derrière le drame. À partir de lundi et jusqu'à vendredi, Olivier Lebrun comparait en appel devant la cour d'assises de la Sarthe pour le meurtre de Nelly Le Bouard, l'assistante maternelle qui s'était occupée de son bébé. L'enfant était devenu aveugle après des secousses infligées, selon les parents, par la nourrice. Mais sa culpabilité n'avait jamais pu être vérifiée.
En première instance, en juin 2016, la cour d'assises du Maine-et-Loire l'avait condamné à 25 ans de réclusion criminelle, pour ce meurtre prémédité, pour lequel Olivier Lebrun avait presque immédiatement reconnu sa culpabilité. Comment ce père de famille a-t-il pu basculer ainsi, nourrissant sa haine pendant deux ans, et mûrissant longuement sa vengeance ?
Le syndrome du "bébé secoué". Retour en avril 2011. Nino est le deuxième fils de Olivier et Sophie Lebrun. À six mois, le bébé est confié à une assistante maternelle, Nelly Le Bouard, 51 ans. En plus d'avoir bonne réputation, la nourrice vit dans la même rue que le couple. Idéal. Or, moins de trois semaines plus tard, les parents constatent avec inquiétude des signaux étranges chez le nourrisson. Son crâne est gonflé, il pleure et vomit constamment. Ses yeux, surtout, roulent de façon alarmante. Le diagnostic des médecins indique un syndrome du "bébé secoué". Les conséquences sont irréversibles : l'enfant sera aveugle.
Le père en dépression. Mais les policiers peinent à démontrer l'éventuelle culpabilité de l'assistante maternelle. Les soupçons se portent même d'abord sur le père, alors en arrêt maladie pour dépression, et le nourrisson est placé par les services sociaux. Olivier Lebrun vit très durement cette situation, et se convainc que les gendarmes n'inquiètent pas la nourrice, du fait de son passé militaire. Pendant deux ans, son ressentiment à l'égard de sa voisine - qui continue de s'occuper d'enfants - ne fait que grandir.
"Il a très mal vécu l'absence de réponse judiciaire et s'est dit : On m'a lâché. Les anxiolytiques, l'alcool et le sevrage récent aux psychotropes ont pu provoquer un passage à l'acte violent", expliquait au Parisien Me Mathias Jarry, l'avocat du prévenu, lors du premier procès. "On ne peut pas affirmer qu'il avait tout son discernement au moment des faits. Il avait perdu sa lucidité", renchérit aujourd'hui son nouvel avocat, Me Benoît Poquet, dans Le Courrier de l'Ouest.
Une vengeance préparée méticuleusement. Le 15 avril 2013, Olivier Lebrun annonce à sa femme son intention de tuer la nourrice. Toute la journée, il va méticuleusement préparer sa vengeance. Il enfile une tenue en lycra noire et des bottes, va jusqu'à se peindre le visage en noir. Il affûte deux armes blanches, et s'alcoolise. Puis il va se coucher. Vers 2h30, il se lève, quitte la maison et parcourt les quelques mètres qui le séparent du domicile de l'assistante maternelle. Habillé ainsi, l'homme se fond dans la nuit et se faufile dans le garage de la victime. Là, il coupe le courant. Commence une attente de quatre heures, jusqu'au réveil de Nelly Le Bouard. Quatre heures pendant lesquelles la détermination vengeresse d'Olivier Lebrun ne va pas faiblir.
Peu avant 7 heures, l'assistante maternelle se lève, constate qu'il n'y a plus d'électricité, et se rend - comme l'avait anticipé le père de famille - au garage. Là, Olivier Lebrun lui bondit dessus, couteaux en main, et l'a fait chuter au sol. La victime se débat, parvenant à blesser légèrement son agresseur. Des entailles qui permettront très vite aux enquêteurs de confirmer leurs premiers soupçons. Le corps de Nelly Le Bouard, lardé de 18 coups de couteau, est finalement découvert par un parent qui venait déposer son enfant chez la nourrice.
"J'ai vu les photos du meurtre. Elles étaient insoutenables. Même les jurés n'ont pas réussi à les regarder, tellement elles étaient barbares", confie Stéphane Dubost, le conjoint de la victime, dans Le Courrier de l'Ouest de lundi.
Quel sort réserver au père "vengeur" ? Au courant du passé dramatique qui lie la victime aux parents du petit Nino, les gendarmes se rendent immédiatement au domicile du couple. Le père, qui a jeté ses vêtements au feu, a encore du sang sur les semelles de ses bottes. L'homme reconnait tout de suite sa responsabilité. Son épouse est condamnée à 18 mois de prison avec sursis pour "non-empêchement de crime".
D'ici vendredi, la défense d'Olivier Lebrun tentera d'abaisser la peine de son client, en faisant valoir le contexte particulièrement tragique de cette vengeance, et l'état psychologique très instable du prévenu.