Ingrid, 44 ans, mère d'une ado en crise : "Je me suis demandée si je n'allais pas appeler les urgences psychiatriques"

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Romain David
La fille d'Ingrid a commencé sa crise de l’adolescence dès l'âge de 11 ans. Quatre ans plus tard, les relations entre la fille et la mère commencent seulement à s'apaiser, comme le raconte cette dernière à Olivier Delacroix, sur Europe 1. 
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Ingrid, 44 ans, est la mère d'une adolescente de 15 ans. Quatre ans plus tôt, à l'issue du divorce de ses parents, la jeune fille a entamé une crise d'adolescence précoce, qui s'est notamment traduite par des scènes de tension extrême, voire de violence. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, la mère évoque cette période qui a été particulièrement difficile a traverser.

"Ça a commencé assez tôt, vers l'âge de 11 ans à peu près, et ça a bien duré trois ans. [Elle était] assez agressive, renfermée et, classiquement, [il y avait] une vraie difficulté à échanger, à communiquer, à trouver les clefs pour pouvoir parler.

Peu de temps avant, quand elle avait 10 ans, je divorçais de son papa. Très clairement, tout s'est enchaîné sur cette crise.

À l'époque, je n'échangeais pas énormément avec son papa. Je ne sais pas [si avec lui elle se comportait de la même manière]. Je pense que oui. Quand bien même je lui aurais posé cette question, ma fille ne m'aurait pas répondu, parce que justement, elle ne voulait pas rentrer dans ce type d'échange.

 

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Ingrid s'est par moment sentie tellement dépassée qu'elle a même envisagé de se tourner vers le milieu médical…

Je me rappelle d'une nuit très agitée. Je ne me souviens plus de l'objet du désaccord au départ. J'ai dû lui dire 'non' sur quelque chose, ce qu'elle n'a pas du tout accepté. Elle devait avoir 13 ans à l'époque. Elle a voulu s'en aller. Il a fallu que je garde sur moi ou que je planque toutes les clefs. C'était un affrontement physique.

À ce stade, on ne sait plus quoi faire. Au début, on peut être tenté - étant soi-même tellement exaspérée - par une réponse physique. Très vite, on comprend que ce n'est pas une solution. Il fallait la maîtriser, essayer de la calmer, or elle ne voulait pas se calmer. J'ai appelé son papa. On a voulu la raisonner, c'était impossible. Je me souviens que cette fois-là, je me suis carrément demandée si je n'allais pas appeler les urgences psychiatriques pour enfants.

Ces derniers mois, la situation s’est apaisée, notamment parce que la mère a changé sa manière de communiquer avec sa fille.

J'ai l'impression de commencé à en sortir. Je suis assez ravie.

Elle est plus clame. Elle arrive à mieux maîtriser ses émotions. Je pense que moi aussi, de mon côté, j'ai fait un chemin. Au départ, très basiquement, j'ai réagi avec mes codes à moi, c'est-à-dire de la manière dont moi je fonctionne. Or, elle ne fonctionne pas comme moi. Les codes qui sont les vôtres ne sont pas forcément ceux de vos enfants."

L'avis du pédopsychiatre Daniel Marcelli, spécialiste de l'enfant et de l'adolescent

Agressivité, sentiment de toute puissance, questionnement identitaire, repli sur soi… La crise d'adolescence peut tourner au cauchemar, aussi bien pour ceux qui la vivent que pour les parents. Pendant cette période délicate de transition vers l'âge adulte, les formes d'expression du mal être diffèrent souvent d'un adolescent à l'autre,, comme le relève au micro d'Europe 1 le pédopsychiatre Daniel Marcelli, spécialiste de l'enfant et de l'adolescent. "Il y a des crises plus ou moins bruyantes et plus ou moins externalisées, avec des passages à l'acte", relève-t-il. "Il y a des manifestations très visibles et puis il y a des adolescents plus dans leur coin, dans leurs rêveries, éventuellement dans des pensées agressives mais sans passer dans l'agir."

Aussi difficile soit-elle, cette période est néanmoins essentielle à la construction de la psyché du jeune adulte. Une crise d'adolescence refoulée peut en effet resurgir à l'âge adulte, avec des conséquences autrement plus graves. "Il est essentiel, de mon point de vue, que chaque être humain, au moment de l'adolescence, transforme quelque chose dans son psychisme et passe par ce que l'on appelle ordinairement une 'crise d'adolescence'", estime Daniel Marcelli. "Dans ma longue carrière, l'expérience a montré que si on ne la fait pas à cette époque-là, on peut la faire à 30 ou 35 ans, voire 40 ans. C'est alors beaucoup plus grave et les conséquences sociales sont plus importantes", avertit ce praticien.

>> Crise d’ado : comment la gérer ? Retrouvez l'intégralité du témoignage d'Ingrid