hypocrisie, mensonge, vérité, Pixabay 4:00
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Grégoire Duhourcau
Jennifer a vécu en couple pendant dix ans avec un homme avant que "ça pète". "L'honnêteté avait une place complètement illusoire" dans sa relation, a-t-elle expliqué à Olivier Delacroix sur Europe 1.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Après avoir vécu pendant dix ans avec un homme avec qui elle avait une relation basée sur l'hypocrisie, Jennifer, 30 ans, s'est interrogée sur le sujet. Elle a estimé au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1 qu'il s'agit d'un problème sociétal. D'après elle, notre éducation nous pousse à essayer de plaire aux autres et force l'hypocrisie, même si "on ne peut jamais être totalement transparent avec les autres".

"Je savais qu'au fond, il n'était pas honnête et je rentrais dans le jeu. Je rentrais dans le jeu de cette illusion qu'on était un couple qui fonctionnait et qui était parfait alors qu'au fond, je savais très bien que cela ne correspondait absolument pas à mes valeurs ni aux siennes.

L'honnêteté avait une place complètement illusoire, je dirais même une place imagée. Dans le discours, il fallait que l'on soit vrai, que l'on soit honnête, que l'on se dise tout mais dans la réalité, on ne se disait rien. On ne se disait pas les choses importantes, on ne se disait pas ce que l'on ressentait vraiment, on ne se disait pas l'essentiel. Ça a été très compliqué et forcément, à un moment donné, ça pète et ça ne peut plus fonctionner.

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"On apprend depuis l'enfance à essayer de plaire à l'autre"

Pour moi, c'est très sociétal dans le sens où on apprend depuis l'enfance à essayer de plaire à l'autre et d'être dans une reconnaissance parfois extrême vis-à-vis de l'autre. Forcément, cela va rejaillir dans toutes nos relations, que ce soit au niveau sentimental, au niveau amical comme au niveau professionnel. On veut plaire à l'autre pour des tas de raisons et c'est trop compliqué d'être vrai avec l'autre et de montrer qui on est réellement, de montrer réellement ses opinions.

C'est aussi ça l'hypocrisie. Je sais très bien ce que je n'ai pas envie de faire, c'est loin d'être ce que je pense mais je vais le présenter de cette manière-là parce que ça passe mieux, parce que ça pourrait moins blesser et parce que je donnerai une meilleure image de moi-même. Ça ne peut jamais tenir longtemps.

Pour moi, la première personne avec qui on ne doit absolument pas être hypocrite, c'est soi-même. Or, on est très rarement vrai avec soi-même. On ressent des choses mais on ne veut pas les admettre. Forcément, après ça va aussi être compliqué d'être vrai avec les autres. La première étape qui, pour moi, est vraiment fondamentale, c'est d'arriver à être vrai avec soi-même pour arriver à être vrai avec les autres.

"On ne peut jamais être totalement transparent avec les autres"

Après, il y a toujours une petite forme d'hypocrisie. On ne peut jamais être totalement transparent avec les autres. On le voit quand on doit s'adapter, quand on doit intégrer différents milieux, différents secteurs, différents métiers, on essaye de prendre les codes. On peut dire que c'est une forme d'hypocrisie. Pour moi, on ne peut jamais être vrai à 100% avec les autres. Mais je ne pense pas que pour qu'une relation puisse être saine et durable, elle puisse avoir des fondements basés sur le mensonge.

L'hypocrisie représente complètement l'état actuel de notre société. On est perdu entre le paraître et l'être. Il y a pas mal de choses qui sont attendues de notre part en tant que citoyen, en tant que membre de la société, en tant que membre d'une entreprise et d'un autre côté, il y a pas mal de choses qui sont parfois en contradiction totale avec les valeurs profondes que l'on peut avoir en tant que personne, en tant qu'individu. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui est nouveau mais aujourd'hui, c'est beaucoup plus présent, beaucoup plus fort dans le ressenti parce que le fait que le virtuel côtoie de manière aussi présente le réel nous fait perdre un certain sens de la vérité.

C'est ça qui est complexe aujourd'hui. J'ai passé dix ans en couple avec une personne, tout était fondé sur le mensonge. Et on peut également passer dix ans ou cinq ans dans une entreprise à jouer un rôle qui finalement, ne nous convient pas. Malheureusement, très souvent, on s'en rend compte quand on est à bout. On a eu pas mal de signaux qui nous indiquaient que l'on n'avait plus rien à faire là où on se trouvait mais on est resté jusqu'à recevoir une claque et c'est ça qui est dommage.

"Je me suis rendu compte que l'on perdait beaucoup moins de temps en étant soi-même"

De toute façon, on ne peut jamais tout dire, c'est clair et net. Mais le fait de ne pas tout dire, ce n'est pas forcément être hypocrite. Le silence a aussi beaucoup de valeur, beaucoup de vertus. On a le droit d'avoir un jardin secret, de conserver une certaine intimité. Le problème de l'hypocrisie, c'est que c'est un mensonge. Est-ce qu'on veut avoir des relations mensongères avec les autres, que ce soit dans le travail ou dans les relations amoureuses, ou est-ce qu'on a envie d'être réellement soi-même. C'est là où c'est plus compliqué parce qu'être soi-même, ça demande de sortir des sentiers battus, de bouleverser les codes et de sortir des représentations que les autres peuvent avoir de nous.

Je me suis rendu compte que l'on perdait beaucoup moins de temps en étant soi-même, que l'on prenait beaucoup plus de plaisir à être vrai et authentique avec les autres. Finalement, on a beaucoup plus à gagner que l'on a à perdre. L'hypocrisie nous fait vivre dans des frustrations permanentes dont on pourrait se passer. Ça nous fait perdre du temps, ça nous fait perdre en productivité."

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