La longévité de Jeanne Calment mise en doute : "Ça montre une méconnaissance totale de ce qu'était la France du 19ème et 20ème siècle"

Jeanne Calment pose pour les photographes dans sa maison de retraite, le 20 février à Arles, à la veille de son 122ème anniversaire.
Jeanne Calment pose pour les photographes dans sa maison de retraite, le 20 février à Arles, à la veille de son 122ème anniversaire. © GEORGES GOBET / AFP
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Anaïs Huet , modifié à
Et si le record de longévité de Jeanne Calment était une supercherie ? Des Russes ont émis une théorie selon laquelle la fille de la doyenne de l'humanité aurait usurpé son identité. Une théorie réfutée en bloc par un scientifique français.
INTERVIEW

Jeanne Calment, officiellement décédée à l'âge de 122 ans et 164 jours en 1997 - un record mondial de longévité tous sexes confondus -, aimait dire que "Dieu l'avait oubliée". Mais des chercheurs russes ont récemment conclu à une supercherie. Après avoir analysé pendant des mois des biographies, interviews, photos, ainsi que les archives d'Arles, la ville du sud de la France où elle avait vécu, ils affirment que Jeanne Calment serait en fait morte dans les années 1930 et que sa fille Yvonne lui aurait usurpé son identité pour ne pas payer de taxe sur sa succession. C'est donc elle qui serait morte en 1997, à l'âge de 99 ans.

"Une instruction à charge". La théorie a immédiatement suscité à la fois l'intérêt et la controverse parmi les scientifiques. Le démographe et gérontologue français Jean-Marie Robine, qui avait participé à la validation par le Livre Guinness des records de l'âge de Jeanne Calment, dément formellement sur Europe 1 les conclusions russes. "L'article que j'ai sur mon bureau depuis quelques jours est une espèce d'instruction à charge. Les chercheurs n'ont absolument pas repris notre travail et regardé l'ensemble du matériel dont nous disposions. Ils ont lu beaucoup de choses sur Jeanne Calment, mais quasiment pas de travaux scientifiques. Ils font feu de tout bois", dénonce le Français.

"Rien ne tient". Les chercheurs russes présentent dans leur étude 17 éléments étayant leur thèse. "De mon point de vue, rien ne tient. Ça montre surtout une méconnaissance totale de ce qu'était la France du 19ème et 20ème siècle", fustige Jean-Marie Robine. "Au cours du 19ème siècle, les gens de bien, les médecins, les professeurs de médecine, les avocats, se sont passionnés pour la longévité et ont fait une espèce de courses aux centenaires. Ils ont recherché tous les cas possibles et imaginables de centenaires en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, etc. Ils ont ensuite cherché à les valider ou les invalider. Petit à petit, ils ont établi une liste de pièges", explique-t-il d'abord. Pour éviter ces pièges, il était préconisé "d'interroger la personne de son vivant, sur des événements qu'elle seule peut connaître", précise le chercheur.

La doyenne interrogée à de nombreuses reprises. De fait, Jean-Marie Robine et son collègue, le scientifique Michel Allard, ont bel et bien rencontré Jeanne Calment, "une trentaine de fois", entre ses 117 ans et ses 120 ans. "Tout est enregistré", assure le chercheur. Au cours de ces entretiens, Jeanne Calment a en effet été en mesure de donner le nom de ses professeurs d'école ainsi que ceux de bonnes de son immeuble. Des informations qu'elle seule pouvait connaître. "En parallèle, on avait embauché une documentaliste, qui a recensé tous les documents disponibles à Arles. Jeanne Calment n'a jamais quitté Arles, sa famille est d'Arles depuis plusieurs générations, et la ville a des archives extraordinaires. On avait tous les registres paroissiaux, toutes les archives de l'état civil, tous les documents de recensement, et tous les documents scolaires." 

De leur côté, les chercheurs russes campent sur leur position.