Nos sols ont soif, très soif. En cause : un été particulièrement sec en France mais surtout des mois de septembre et d'octobre tout aussi pauvres en eau. Selon le dernier bulletin national de situation hydrologique, publié le 24 octobre, le manque d'eau se fait ressentir particulièrement sur le pourtour méditerranéen. Dans le Vaucluse, la Drôme ou dans le Gard, 70% des cours d'eau étaient asséchés fin octobre. 55 départements ont d'ailleurs pris des arrêtés pour restreindre les usages de l'eau. C'est beaucoup plus que l'an dernier. A la même date, 30 départements avaient pris une telle mesure. Et ils n'étaient que 25 départements en 2015.
Record de sécheresse à Toulon. Autre exemple à Toulon, dans le Var. Là-bas, seuls 78 millimètres de pluie sont tombés entre avril et novembre. "C'est 75 % de moins que la normale", signale à Europe 1 François Gourand, prévisionniste à Météo France. Et c'est un record de sécheresse depuis 1936 et le début de ce type de mesure.
Mais le phénomène est plus global. La sécheresse concerne également l'ouest de la France, souligne Frédéric Decker météorologue à MeteoNews, joint par Europe 1. "C'est le cas dans le sud-ouest mais aussi entre la Bretagne et la Charente", étaye-t-il.
Une période déterminante. Une situation préoccupante d'autant que l'automne et l'hiver sont des saisons déterminantes. C'est entre septembre et mars que les nappes phréatiques se rechargent. "En hiver, l'agriculture n'a pas besoin d'autant d'eau et la végétation se met en repos, les arbres ne pompent plus l'eau du sol. Ce qui fait que les nappes phréatiques vont se remplir plus facilement", souligne Marillys Macé, directrice générale du Centre d’information sur l’eau, contactée par Europe 1. "C'est aussi, traditionnellement la saison des pluies. Mais deux mois déjà ont déjà passé sans beaucoup de précipitations", déplore-t-elle. Ainsi, en septembre, 70 % des nappes phréatiques affichaient des niveaux bas ou très bas comparés aux niveaux habituels, précise un rapport de la BRGM, le bureau de recherches géologiques et minières.
Le problème, c'est que les précipitations d'aujourd'hui conditionnent l'agriculture de demain. Si les nappes ne sont pas rechargées au printemps prochain, les agriculteurs pourraient être soumis à de nouvelles restrictions. De quoi compliquer leur travail et limiter les récoltes dans le cas d'une agriculture de type intensive. Les particuliers ne sont pas épargnés pour autant. Ils ne vont pas être privés d'eau potable, mais certains usages (arroser son jardin, laver sa voiture….) pourront être limités dans certaines communes.
Le temps presse. Le compte à rebours est donc lancé. Ou presque. "On sait qu'en un mois il peut pleuvoir énormément. On peut donc penser que c'est encore "rattrapable", assure Marillys Macé. "Si l'on a un hiver rude avec de la neige, cela va servir les nappes, car au printemps, l'eau s'infiltrera dans les sols. Mais plus généralement, il faudrait que la pluviométrie dépasse les normales de saison. Pour l'instant les techniciens du climat sont dans l'expectative."
La météo du week-end offre une lueur d'espoir. "On attend beaucoup de pluie dans le sud-est et le sud-ouest", prévoit Frédéric Decker. Et sur les quinze jours à venir, il devrait aussi pleuvoir." Un répit indispensable. Mais sera-t-il suffisant ? "Il faudrait un hiver bien pluvieux jusqu'à mars pour que l'eau stockée sous terre atteigne un niveau acceptable".
Une "cellule d'expertise" sur la gestion de l'eau
Les ministres de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et de l'Agriculture, Stéphane Travert, ont annoncé jeudi la mise en place d'"une cellule d'expertise" sur la gestion de l'eau dans le domaine agricole. Cette instance a pour objectif de mieux gérer les ressources en eau pour permettre justement de limiter les "situations de tension hydrique". En d'autres termes, cette cellule a pour ambition de fournir des solutions alternatives aux agriculteurs en cas de fortes sécheresses.
Parmi les pistes envisagées, les ministres disent réfléchir à des projets de stockage hivernal de l'eau, favoriser la réutilisation des eaux usées traitées, élaborer un nouveau plan d'adaptation au changement climatique et "développer une agriculture plus économe en eau".