L'affaire Agnès Marin : l'émotion puis la colère

Une photo d'Agnès Marin, la victime.
Une photo d'Agnès Marin, la victime. © AFP
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, retour sur l'affaire Agnès Marin. La lycéenne avait été tuée en 2011 par un camarade d'école, récidiviste.

En 2011, la disparition puis la mort d'Agnès Marin avait suscité une vive émotion en France. Notamment parce que l'auteur des faits avait déjà commis un crime similaire, un an auparavant. Retour sur cette affaire chez Christophe Hondelatte, avec Chloé Triomphe, qui avait couvert le procès pour Europe 1 en 2013.

Disparue en plein après-midi. Ce mercredi 16 novembre 2011, au Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire, les internes du collège-lycée de Cévenol ont une permission de sortie. L'établissement, sous contrat avec l'Etat, accueille des exclus du système scolaire. Ce mercredi soir, une élève manque à l'appel : Agnès Marin, 13 ans. Ses amis s'inquiètent et bientôt, la direction du collège-lycée également. On appelle une amie à elle, Estelle. Agnès était avec elle cet après-midi, elle est partie vers 16h30 pour rejoindre l'établissement. Oui, mais depuis, plus rien.

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La direction de l'établissement prévient les gendarmes, qui fouillent alors les alentours, notamment les bois, en compagnie d'autres élèves, de professeurs et d'habitants du village. La nuit tombe, mais toujours aucune trace d'Agnès.

Le lendemain, l'inquiétude grandit. Estelle, l'amie d'Agnès, avoue finalement qu'elle n'a pas dit la vérité. C'est Agnès qui lui a demandé de lui raconter qu'elle était avec elle si le collège-lycée l'interrogeait. Pourquoi ? Elle ne le sait pas. Agnès a donc disparu entre la fin du déjeuner, 12h30, et l'heure de retour à l'internat, 16h30. L’hypothèse de la fugue semble peu probable, mais n'est pas écartée.

La piste du camarade. En parlant avec des élèves, les gendarmes apprennent que l'un d'eux est rentré la veille du quartier libre, avec des griffures sur le visage. Son prénom : Matthieu. Un élève du lycée, âgé de 17 ans. Lorsque les gendarmes l'interrogent, il répond avec un air détaché, en jouant au yoyo. Pour expliquer ses griffures, il raconte qu'il a fumé un très gros pétard, a "badtripé" et qu'il est tombé dans les ronces. Les gendarmes passent son nom au fichier : rien. Lors de la perquisition de sa chambre, les gendarmes tombent sur un jean, caché, avec des taches rougeâtres. Là-aussi, Matthieu a une explication. Ce sont les traces de sa chute, tout simplement.

Matthieu est tout de même placé en garde à vue. Les gendarmes restent surpris de son attitude et de son extrême détachement par rapport aux questions posées. Après une nuit dans sa cellule, il change de version. Il explique finalement avoir passé son mercredi après-midi avec Agnès, à fumer du shit. Ils se sont disputés, puis ont cherché des champignons hallucinogènes. Matthieu se souvient avoir vomi et être tombé dans les pommes, avant de rentrer à l'internat. Le problème avec cette version, c'est qu'elle ne colle pas. Les gendarmes ont à présent les résultats des analyses de sang de Matthieu, prises au début de sa garde à vue. Il n'a consommé aucun produit stupéfiant. Pas un seul. Donc il ment.

Les terribles aveux de Matthieu. Confronté à ses mensonges, Matthieu finit par consentir à un début d'explication. Il s'est disputé avec Agnès et l'a poussée dans un ravin. C'est à ce moment précis que ses avocates demandent aux gendarmes de les laisser seules, avec lui, pour qu'elles puissent discuter avec leur client. Chloé Triomphe, journaliste Police-justice pour Europe 1, raconte alors ce qu'il s'est passé entre le jeune homme et ses avocates. "Pour que Matthieu avoue, il a fallu qu’elles le sortent de la pièce avec les gendarmes, qu’elles enlèvent leur robe noire et qu’elles se mettent à genou, pour le supplier de dire où est le corps", explique la journaliste.

Une fois les gendarmes de retour dans la pièce, Matthieu annonce qu'il va les emmener où se situe le corps. Il est un peu plus de 19 heures, à la lumière des lampes torches, les gendarmes découvrent finalement le corps d'Agnès Marin, à moitié calciné, le pantalon baissé, au fond d'un ravin. Matthieu l'a tuée. Il avoue tout : ils se sont disputés et il a été pris d’une pulsion. Il a bâillonné Agnès, a attaché ses mains avec la ficelle de son yoyo et l’a violée, puis frappée jusqu’à la mort. Ensuite, il a aspergé son corps d’essence pour briquet, afin d'y mettre le feu. À 16h30, il est rentré à l’internat.

Récidive. Déjà sous le choc de la nouvelle, la commune du Chambon-sur-Lignon n'est pas au bout de ses mauvaises surprises. Le lendemain, de la bouche du procureur, on apprend que Matthieu était récidiviste. Il avait déjà violé, sous la menace, une camarade de classe en août 2010. Et dans l'attente de son procès, il a été placé dans un internat mixte. Une folie. Les experts psychiatres avaient, quant à eux, indiqué que Matthieu ne souffrait d'aucune pathologie et qu'il n'était pas dangereux. À l'émotion succède alors la colère dans le village, d'autant plus que le proviseur du collège-lycée était au courant du passif du meurtrier d'Agnès. Claude Guéant, alors ministre de l'Intérieur, monte au créneau pour demander "une sanction exemplaire".

Le procès a lieu en 2013, à la cour d'assises des mineurs du Puy-en-Velay. Chloé Triomphe a assisté à une partie du procès pour Europe 1. Elle se souvient en détail de Matthieu. "C’était un jeune homme extrêmement banal d’apparence. Un assez beau jeune homme, au visage complètement lisse, avec de larges lunettes noires qui mangeaient une partie de son visage", se souvient la journaliste d'Europe 1. Matthieu est condamné à la perpétuité. Une décision très rare pour un mineur. "Il faut des conditions particulières", indique Chloé Triomphe, "la première, c'est que le mineur ait plus de 16 ans. La deuxième, c'est qu’il soit en état de récidive et c’est le cas du jeune Matthieu."