Une alerte enlèvement et une polémique. Mardi vers 22 heures, les services de l’Etat ont diffusé une alerte enlèvement concernant un petite fille de quatre mois, Djenah, enlevée par son père. Ce dernier s’est finalement rendu mercredi dans la matinée, avec l’enfant en bonne santé. Mais avant même cet heureux dénouement, la polémique s’est rapidement emparée des réseaux sociaux. En cause : l’emploi de l’expression "individu de race noir" pour désigner le ravisseur. Que s’est-il passé ?
"Notre rôle, c’est la diffusion". A 22h06, les médias reçoivent un mail demandant de diffuser une alerte enlèvement pour une petite fille, enlevée par son père, "un individu de race noire, porteur de lunettes de vue, 1 mètre 75, cheveux noirs et courts". L’indignation s’empare très vite des réseaux sociaux. Au ministère de la Justice, on explique pourtant que ce n’est pas Twitter qui a alerté les services mais les médias eux-mêmes. Certains ayant en effet pris la liberté de modifier le mot "race". Un message correctif est alors envoyé une heure et demi plus tard, avec le terme "couleur noire.
Qui a validé le premier message ? Au ministère de la Justice, on assure que "la polémique est légitime" et que "ce terme, très regrettable, n’aurait jamais dû s’y trouver". Mais alors qui a écrit le premier message de l'alerte enlèvement ? Celui-ci, fait-on savoir, "est rédigé par le terrain", à savoir la police en lien avec le parquet, le tout "dans un laps de temps très court". A charge ensuite au ministère de la Justice de relayer le message aux médias qui le diffuseront au public.
S’il est impossible de savoir combien de personnes ont écrit ou relu la première alerte, gageons que la controverse sera abordée lors du RETEX (pour retour d’expérience) réalisé après chaque alerte enlèvement pour améliorer le dispositif.
Les associations réagissent. Les associations anti-racistes ont elles suivi de près la polémique. "Les préjugés pèsent toujours très lourd et trop lourd dans notre société", déplore Alain Jakubowicz, président de la LICRA. Néanmoins, ce dernier tient à souligner deux choses : "l’importance du public dans l’interpellation et la prise de conscience de l’erreur commise et la réaction très spontanée du ministère de la Justice". Pour Alain Jakubowicz, "c’est un signe que notre société fonctionne car l’autorité a entendu l’interpellation de l’opinion publique".
A SOS Racisme, on tient cependant une position beaucoup plus ferme. "La mention de la ‘race noire’ dans une communication étatique n’est pas tolérable", dénonce Dominique Sopo, le président de l’association. "Maintenant que l’alerte est heureusement levée, le ministère de la Justice doit apporter des explications sur cette aberration et indiquer quelles procédures de filtrage seront mises en place afin que cela ne se reproduise pas", demande-t-il. Pour SOS Racisme, cette épisode "montre à quel point le retour des refoulés reste une question d’actualité". "A l’Etat d’indiquer comment il travaille avec ses agents sur ces sujets", conclut l’association.