Le masculin l'emporte sur le féminin. Dès le CP, tous les élèves apprennent cette règle de grammaire. Mais aujourd'hui, 314 professeurs de français disent stop. Ils ont signé mardi une tribune sur le site Slate, et refuseront désormais d'appliquer cette règle.
Le masculin "plus noble" que le féminin. Eliane Viennot, coordinatrice de la tribune et professeure de littérature à l’Université de Saint-Etienne, a rappelé mardi dans Europe Midi que cette règle de grammaire "n'a pas toujours existé". "Elle a été mise au point au 17e siècle. D'ailleurs, à cette époque-là, on ne disait pas exactement cette formule, mais 'le genre le plus noble s'impose lorsque les deux genres sont en présence'. Ça veut tout dire", souligne celle qui a par ailleurs écrit l'ouvrage Non le masculin ne l'emporte pas sur le féminin. "Les explications données par les promoteurs de cette règle sont tout à fait claires quand on les pousse dans leurs retranchements. Le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle", dénonce-t-elle.
Plus qu'une règle de grammaire, une certaine idée de la domination. La professeure de littérature s'agace contre ces procédés qui, à l'époque, ont été mis en place pour "masculiniser" de force la langue française, et qui aujourd'hui, ont encore un réel impact sur la perception qu'ont les jeunes filles de leur genre. "On a de nombreux témoignages de femmes qui disent qu'elles étaient sidérées quand elles ont entendu ça pour la première fois", note Eliane Viennot. Selon elle, cette règle de grammaire "ne met pas cette idée de la domination masculine seulement dans la tête des filles, ça la met aussi dans la tête des garçons."
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"On promeut le choix". Alors comment faudrait-il procéder pour éviter ce genre d'écueil ? Concrètement, vaut-il mieux dire "papa et maman sont beaux" ou "papa et maman sont belles" ? "On peut dire les deux", répond Eliane Viennot, qui "promeut le choix". Le problème se pose également quand la phrase comporte plusieurs noms qu'il faut accorder avec un adjectif. "Traditionnellement, dans la langue (le latin par exemple), on accordait l'adjectif avec le dernier mot. C'est-à-dire 'les garçonnets et les fillettes sont intelligentes'", illustre la professeure. "C'est ce que l'on préconise, car c'est déjà plus joli à l'oreille, c'est plus naturel et spontané", argumente Eliane Viennot.
"Cela dit, on n'est pas obligé d'avoir seulement cette alternative-là. Le manifeste ne prend pas uniquement position pour l'accord de proximité. Il y a aussi l'accord de majorité. Quand on dit '40 infirmières et le médecin chef sont arrivés", on peut estimer que 'arrivées' s'écrit au féminin", précise-t-elle. Pour la professeure de littérature, il faut avant tout "réfléchir à ce qu'on a envie de dire, à quoi on a envie d'accorder le plus d'importance, au lieu d'appliquer une règle mécanique."