Le secret médical va-t-il résister à la numérisation des données médicales ? C'est une question qui est devenue légitime depuis que les examens médicaux des Français sont stockés sur des serveurs informatiques, et accessibles à d'autres personnes que votre médecin.
Toutes les données numérisées. Les actes médicaux, les médicaments prescrits, les hospitalisations - où, quand, pourquoi - jusqu'aux décès et à leurs causes. Toutes ces données sont stockées sur des serveurs géants dans les hôpitaux, et surtout au siège de l'Assurance maladie. Avec la centralisation de la sécurité sociale, ce sont les données de 62 millions de français depuis les années 1990 qui sont consignées, une somme phénoménale. En croisant ces fichiers, on peut donc obtenir des informations ultra-sensibles, un lien par exemple entre un médicament et une pathologie voire un décès. Avec les big data, les effets du Mediator sur le cœur auraient sans doute pu être repérés plus tôt. A l'inverse, il y a deux ans, on a pu montrer qu'il n'y avait pas de lien entre la vaccination contre le papillomavirus et la sclérose en plaques. C'est une sorte de recherche médicale en accéléré.
Faciliter le diagnostic. Et cela vaut surtout pour la cancérologie : une équipe de chercheurs est en train d'étudier si certains médicaments accentuent ou au contraire amoindrissent l'efficacité de la chimio. On ne peut pas le faire patient par patient, ni médicament par médicament, il y en 10.000 sur le marché. Les machines, elles, peuvent le détecter en un temps record. Les big data peuvent aussi être efficace dans les cas rares. "Imaginez une tumeur très rare, avec 100 cas par an en France. Même si vous êtes un médecin expérimenté, vous allez en voir assez peu", explique Alain Litarkowski, médecin et responsable des données médicales à l'Institut Curie. "Mais si vous entrez les données sur les serveurs, la machine pourra faciliter votre diagnostic".
Le Big Brother de la santé. Même si les informations sont anonymisées et gardées d'une main de fer par la CNIL, qui demande à montrer patte blanche avant d'accéder aux données encyclopédiques sur la santé des Français, des recoupements sont toujours possibles. Il suffit pour cela que d'avoir un cas peu fréquent : un homme au fin fond du Cantal avec une pathologie lourde et une hospitalisation n'est pas très difficile à retrouver. Ainsi, un employeur, une banque, ou même un assureur peut, avec quelques recherches, avoir accès à vos informations médicales.
Le danger du piratage. Mais bien sûr, qui dit informatique, dit piratage. En mai dernier, deux hôpitaux londoniens ont été victimes d'un hack de leur bases de données et ont dû payer une rançon. Le risque le plus important pour les big data serait donc que quelqu'un de mal intentionné mette la main sur les données d'un hôpital, ou celles de l'Assurance maladie, et les publient sur internet.