Certaines traces sur la peau sont difficiles à assumer. Pour reprendre la main sur leur corps, des femmes qui ont subi une mastectomie ou une reconstruction mammaire après un cancer du sein n'hésitent pas à se faire tatouer. Cela peut être un tatouage médical, réalisé dans un cabinet médical ou à l'hôpital ou un tatouage esthétique, qui se fait en salon de tatouage.
A l'hôpital ou en salon. Le tatouage médical consiste à dessiner un mamelon (le bout du sein) et une aréole (la peau circulaire qui entoure le mamelon), sur le sein reconstruit. Car dans beaucoup de reconstructions mammaires, le sein est souvent laissé sans mamelon, ni aréole."La reconstruction de l'aréole et du mamelon est une petite intervention qui est négligée car les femmes en ont marre. Elles sont fatiguées après les traitements et les interventions liées à la maladie", constate Benoît Couturaud, chirurgien plasticien et cancérologue.
Les salons de tatouage s'y sont mis aussi. Ils sont nombreux à proposer des tatouages esthétiques pour les femmes ayant subi une mastectomie."On fait par exemple des fleurs qui traversent des seins. Je pense que c'est une très belle chose", note Tin-tin, célèbre tatoueur parisien.
"Une manière d'effacer la maladie". "Pour certains femmes qui avaient subi une reconstruction mammaire après une mastectomie, ne plus avoir d'aréole et de mamelon était comme avoir une maison sans toit", confie Geneviève Eguimendya, présidente de la Ligue contre le cancer des Pyrénées Atlantiques. "Le tatouage, c'est une façon de se réapproprier son corps et de clore un chapitre. Cela leur permet d'avancer", souligne-t-elle.
" Cela reste un endroit où il reste à voir "
Se faire pigmenter la peau aide aussi les femmes qui n'ont pas choisi ou n'ont pas pu avoir de reconstruction mammaire. "Je me rappelle d'une patiente qui à la place de la cicatrice avait fait tatouer un bouton de rose, des tiges et des feuilles. C'était magnifique. On ne voyait plus la cicatrice. C'est une manière d'effacer la maladie", ajoute Geneviève Eguimendya.
"Il s'agit pour ces femmes de ne pas rester seulement avec 'la morsure de la mort'", décrypte Isabelle Sarfati, chirurgienne plasticienne à l'Institut du Sein. "Elles se réapproprient leur thorax laissé vierge par l'ablation. La mastectomie, c'est un manque. Avec le tatouage, cela reste un endroit où il reste à voir."
La tatoueuse Céline tatoue une femme de 73 ans. (Crédit : Nathalie Kaïd)
"Cela touche l'image et l'intime". "Pendant la maladie, les femmes sont soutenues, mais quand elles sortent de ce protocole elles cogitent en se regardant. Leur image est une grande souffrance", ajoute Nathalie Kaïd, photographe et à l'initiative de Rose Tattoo, une opération lancée à Bordeaux pour permettre aux femmes qui ont eu un cancer du sein de se faire tatouer gratuitement.
D'autant que le problème se pose aussi avec le conjoint. Certains femmes ne souhaitant pas que leur mari voient leur poitrine. "L'une des femmes que j'ai rencontré portait un soutien gorge jour et nuit. Après le tatouage, elle a dit s'être rendue compte qu'elle pouvait être belle et féminine", complète-t-elle. "C'est plus que de l'esthétique, ça atteint le moral. Se faire tatouer est un vrai outil thérapeutique. C'est une souffrance en moins. Cela touche l'image, l'intime. Or si vous êtes en harmonie avec votre corps, vous l'êtes davantage avec votre esprit", insiste Nathalie Kaïd.
"J'ai guéri moralement". Après une ablation du sein, Catherine, 45 ans, a sauté le pas et garde aujourd'hui une jolie trace de son combat : "Je me sens beaucoup mieux, j'ai enfin retrouvé mon corps de femme", confie-t-elle. "J'ai pu tourner la page."
(Crédit photo : Nathalie Kaïd. Tatoueuse : Odré)
(Crédit photo : Nathalie Kaïd. Tatoueuse : Alextattoo)