Des policiers de l'office anticorruption ont alerté mi-mars leur hiérarchie sur le manque de moyens et de considération à leur égard mais aussi des "menaces de représailles à peine voilées" proférées par des candidats à la présidentielle.
130 enquêtes en même temps. Dans un courrier adressé le 13 mars au patron de la police nationale et publié lundi par Mediapart, vingt-cinq fonctionnaires de l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) manifestent leur désarroi. Chargé des investigations de l'affaire Penelope Fillon et de celles des assistants parlementaires du Front national, l'Office "mène de front 130 enquêtes principales" en matière financière "qui apparaît comme le parent pauvre de l'investigation depuis de nombreuses années".
Depuis sa création en 2013 après l'affaire Cahuzac, "la charge de travail a explosé sous l'impulsion d'un parquet national financier proactif et décidé à accélérer le traitement des affaires financières", expliquent les policiers.
"La recherche d'efficacité est certes la bienvenue" mais "les moyens adéquats n'ont pas été accordés à l'OCLCIFF, que les magistrats se plaisent pourtant à qualifier de 'bras armé du PNF'". Seuls 28 personnels composent à ce jour la Brigade nationale de lutte contre la corruption et la criminalité financière (BNLCCF) - l'une des deux composantes de l'office - sur les 42 prévus à la création du service, "soit une perte en seulement trois ans d'un tiers des effectifs". En raison du départ de "personnels expérimentés" et malgré des arrivées à venir, "le déficit en personnels compétents perdurera", affirment-ils.
"Assimilés à la Stasi". Les policiers, qui regrettent "un manque de considération", soulignent "le peu de moyens alloués pour les missions", qui "pénalisent l'activité des enquêteurs". Enfin, ils réagissent aux "désagréments régulièrement subis à raison des missions menées", comprendre aux pressions politiques. "Ainsi en était-il lorsque nous avons été assimilés à la Stasi (propos tenus en mars 2016 par Nicolas Sarkozy, ndlr) sans que personne ne s'en émeuve; ainsi en est-il aujourd'hui des menaces de représailles à peine voilées proférées par des candidats à la magistrature suprême", dénoncent-ils.
"Nous déplorons également être systématiquement la cible et bien souvent les seuls inquiétés par des plaintes déposées pour violation du secret de l'instruction", ajoutent ces policiers. L'ensemble des policiers de la BNLCCF demande ainsi au directeur général de la police nationale Jean-Marc Falcone "la mise en place en urgence de mesures fortes, tant en termes de ressources humaines que de logistique", leur permettant d'assurer leurs missions "dans des conditions acceptables".