La tension est toujours palpable en Corse après une violente bagarre entre membres des communautés corses et maghrébines qui a fait au moins cinq blessés samedi à Sisco. Dimanche matin, 500 personnes ont manifesté et menacé de se rendre dans le quartier de Lupino où vivent de nombreuses populations d'origine étrangère. D'après des témoins, le conflit aurait éclaté alors que plusieurs femmes se baignant en burkini - la tenue de bain couvrant l'ensemble du corps - étaient prises en photo par des passants. Une centaine de policiers et gendarmes ont dû être envoyés sur place pour ramener le calme. Pour évoquer ce climat tendu dans l'île, Marie Peretti-Ndiaye, docteure en sociologie, était l'invité de la matinale d'Europe 1.
"Montée du racisme à un moment donné". "Ce qui est sûr, c'est que l'on assiste en Corse, comme ailleurs en France à des tensions qui peuvent se cristalliser autour de signes considérés comme religieux tel que le burkini et à des tensions qui peuvent revêtir un caractère inter-communautaire." Déjà en décembre, des centaines de Corses avaient pris d'assaut deux quartiers d'Ajaccio visant spécifiquement la population maghrébine locale en réaction à l'agression de pompiers pendant le nuit de Noël. "On a des tensions cycliques en Corse mais aussi ailleurs en France, insiste la spécialiste. Je pense que le racisme est quelque chose d'assez partagé en France. Il n'y a pas de racisme corse, il y a tout un ensemble de facteurs qui sont favorables à la montée du racisme à un moment donné."
"Forte sensibilité à l'actualité". D'après les recensements statistiques existants sur les actes racistes en Corse, la sociologue retient "une fluctuation très forte d'une année sur l'autre, donc il y a une sensibilité très forte à l'actualité nationale et internationale." "Certains facteurs socio-économiques sont favorables au développement du racisme" ajoute-t-elle avant de citer "la structuration du marché du travail qui peut mettre en concurrence différents groupes. En Corse, on a un PIB par habitant inférieur de 6% à la moyenne nationale et un habitant sur 5 qui vit sous le seuil de pauvreté." La sociologue évoque également "un contexte migratoire particulier en Corse puisqu'on a un habitant sur dix qui est immigré, dont 55% d'Européens et 33% de personnes originaires du Maroc."
"Actes anti-musulmans". D'une manière plus générale en France, le contexte de terrorisme fait évoluer selon elle le racisme en France même si elle doute que l'on puisse "parler de racisme pour caractériser tous les actes recensés". "Mais ce que montrent les différents recensements, c'est que l'on a une augmentation très importante des actes anti-musulmans. En 2015, les actes recensés ont plus que triplé, on est à +223%" précise-t-elle, évoquant une cristallisation autour de la question religieuse.