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L'ancienne secrétaire d’Etat aux Personnes âgées et à l’Autonomie de 2012 à 2014 Michèle Delaunay était invitée sur Europe 1 samedi. Elle appelle les baby-boomers à accepter de travailler plus longtemps pour le bien des générations futures mais fustige le système universel voulu par le gouvernement.
INTERVIEW

Nouveau revers pour le gouvernement. Alors que la contestation populaire se poursuit, le Conseil d’Etat a taclé vendredi le projet de réforme des retraites prévoyant la mise en place d’un système universel de pensions par points. Ancienne secrétaire d’Etat aux Personnes âgées et à l’Autonomie de 2012 à 2014 et auteure du Fabuleux destin des baby-boomers (novembre 2019, éditions Plon), Michèle Delaunay appelle les travailleurs nés entre 1943 et 1973 à accepter de repousser le départ de l’âge à la retraite pour le bien des générations futures. A certaines conditions.

"Puis-je accepter que mon aide-soignante, qui gagne trop peu, paye ma retraite?"

"Le destin des boomers, c’est de faire de la longévité – les 20 ans d’espérance de vie que nous avons gagnés – un atout au bénéfice de toutes les générations", affirme-t-elle. "Ils sont 20 millions actuellement, ce qui représente une masse importante qui a accédé ou s’apprête à accéder à la retraite. Je suis un ancien médecin de CHU, j’ai une bonne retraite. Mais puis-je accepter que mon aide-soignante, qui gagne trop peu, paye ma retraite pendant 30 ans ?"

L’âge de départ à la retraite est à la fois la clé de voûte financière de la réforme voulue par le gouvernement et le point qui cristallise toutes les tensions. Dans son projet de loi, le gouvernement prévoyait l’instauration d’un "âge d’équilibre" de départ à la retraite fixé à 64 ans. Mais après cinq semaines de grève, le Premier ministre Edouard Philippe a finalement annoncé le 12 janvier dernier qu’il retirait provisoirement l’âge pivot du plan de réforme.

"L’exécutif aurait dû commencer par définir la pénibilité"

"Pour faire accepter l’âge pivot, le gouvernement aurait dû dire ‘mettons-nous autour de la table et définissons les métiers où le départ sera possible plus précocement’", martèle Michèle Delaunay. "C’est pourquoi aucun système ne peut être universel. L’exécutif aurait dû commencer par définir la pénibilité. Ce n’est pas difficile à définir la pénibilité : il faut prendre en compte l’espérance de vie, très différente par exemple entre un ouvrier et un cadre, de l’ordre de 6 ans. Il y a des métiers aussi où les accidents du travail sont très fréquents et augmentent avec l’âge. Enfin, il faut prendre en compte les maladies professionnelles."

Encore faut-il qu’il y ait du travail pour les seniors. "Un cinquantenaire qui sort du circuit n’est pas réembauchée", constate l’ancienne secrétaire d’Etat aux Personnes âgées et à l’Autonomie. "C’est de la faute du patronat. Si on m’avait signifié à 60 ans que j’allais être mise dehors, j’aurais saisi la Cour européenne des Droits de l’homme. La discrimination par l’âge est inacceptable. L’âge ne doit pas être une limitation ou un couperet."