Moi(s) sans tabac : arrêter de fumer d'un seul coup, bonne ou mauvaise idée ?

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Alors que l'opération "Moi(s) sans tabac", lancée par le gouvernement démarre mardi, Europe1.fr ouvre le débat. 

C'est un défi de taille que le ministère de la Santé lance aux fumeurs : arrêter la cigarette pendant 30 jours. L'opération "Moi(s) sans tabac" démarre en effet ce 1er novembre. Pour aider ceux qui se sentent prêts, le gouvernement a par ailleurs fait passer à 150 euros le "forfait annuel", un dispositif de remboursement des substituts nicotiniques ouvert à tous via le site tabac-info-service.fr. Reste une question : est-ce vraiment pertinent d'inviter les consommateurs de tabac à un arrêt aussi brutal ? Ne risquent-ils pas de reprendre au bout d'un mois ? Ne vaut-il pas mieux en passer par un arrêt plus progressif ?

" Un arrêt graduel conseillé pour les plus dépendants "

En janvier 2015, une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Copenhague, parue dans le Journal of Cerebral Blood Flow and Metabolism, incitait plutôt à choisir la manière douce. Leur constat : après 12 heures sans tabac, l'oxygénation et l'afflux sanguin dans le cerveau des 12 fumeurs participants à l'étude chutaient en moyenne de 17%. "Les mêmes symptômes sont observés chez les patients atteints de démence !", commentait le professeur Albert Gjedde, chercheur en neurosciences à l'université de Copenhague et auteur de l'étude.

"Contrairement à ce que l'on pensait, ce n'est pas pour retrouver un effet de bien-être provoqué par la cigarette que les fumeurs retombent dans leur addiction, mais simplement parce que les symptômes de manque sont insupportables", détaillait le scientifique. Et de conclure : "Ces nouveaux résultats suggèrent qu'il serait plus efficace d'arrêter la cigarette de façon graduelle pour contrer les symptômes de manque".

"Un arrêt graduel avec substituts nicotiniques ou cigarettes electroniques est généralement conseillé pour les gens très dépendants", confirmait Jacques Le Houezec, conseiller en Santé publique et dépendance tabagique et membre de l'équipe de recherche Addictologie de l'INSERM, interrogé sur l'étude dans Le Figaro. Qui nuançait, toutefois : "Les techniques à adopter pour l'arrêt du tabac se font au cas par cas. Pour certaines personnes, il est plus facile d'arrêter du jour au lendemain".

" C'est vous qui décidez de la hauteur de la marche "

Invitée mardi d'Europe 1, Marion Adler, médecin tabacologue à l'hôpital Béclère, récuse pour sa part tout risque de "démence". "Je n'y crois pas du tout. Il faudrait voir qui finance ce type d'études… Tout est possible si vous vous faîtes aider, même arrêter d'un seul coup. Arrêter d'un seul coup permet de stopper net la toxicité. Tout ce qui compte, c'est d'éviter la souffrance. Or, les patchs et les substituts nicotiniques servent à ça", martèle la tabacologue. Pour ceux qui ne se sentent toutefois pas prêts à stopper net, Marion Adler conseille de combiner substituts et cigarettes. "Le but, ce doit être d'atteindre zéro cigarette. Vous pouvez prendre un patch, accompagné d'un inhalateur, de gommes ou même d'une cigarette électronique et fumer deux ou trois cigarettes à côté. Si vous en fumiez 20 avant, c'est déjà un grand pas !", assure-t-elle.

Mais la tabacologue prévient également : "attention car si vous arrêtez progressivement, les cigarettes deviendront plus rares et donc… plus agréables aussi à savourer. C'est pour ça qu'il faut absolument se faire aider en parallèle, par des substituts nicotiniques". Et  Marion Adler de conclure : "Avancez à votre rythme. Vous pouvez par exemple diminuer d'abord à trois cigarettes, puis deux, puis une, puis zéro, puis deux jours sans rien… Le tout est de continuer à se faire aider en même temps. C'est comme des étages à franchir. Mais c'est vous qui décidez de la hauteur de la marche".