Gérald Darmanin a annoncé la reconduction du dispositif de maintien de l'ordre pour la nuit de samedi à dimanche, avec de nouveau 45.000 policiers et gendarmes mobilisés. 4:15
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avec AFP / Crédit photo : GUILLAUME PINON / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP , modifié à
Des nouvelles scènes de pillages et de violences sporadiques ont secoué plusieurs villes de France vendredi, mais la nuit a été marquée par des violences d'une "intensité bien moindre" que les précédentes selon les autorités, quatre jours après la mort de Nahel, tué par un tir policier. Ce samedi soir, le gouvernement s'attend à une nouvelle nuit de violences.

Le gouvernement a reconduit samedi son dispositif de sécurité en prévision d'une cinquième nuit consécutive d'émeutes urbaines après la mort mardi de Nahel, 17 ans, tué par un policier et inhumé loin des caméras dans sa ville de Nanterre. En déplacement au commissariat de Dreux, en Eure-et-Loir, le ministre Gérald Darmanin a annoncé que les 45.000 policiers et gendarmes déjà mobilisés la nuit dernière seraient à nouveau sur le pont samedi soir, dont 7.000 à Paris et en proche banlieue. Une partie de ces effectifs ont été déplacés à Marseille et Lyon, les principales agglomérations touchées vendredi soir.

Saisi par une vidéo amateur venue contredire le récit initial livré par les policiers, le tir à bout portant d'un motard et la mort mardi de l'adolescent lors d'un contrôle routier à Nanterre ont choqué jusqu'au sommet de l'Etat, embrasé tout le pays et résonné bien au-delà des frontières françaises et notamment en Algérie, le pays d'origine de sa famille. Face à cette situation, Emmanuel Macron a informé samedi son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier de sa décision de reporter sa visite d'Etat prévue dans son pays de dimanche soir à mardi. Le chef de l'Etat a passé samedi après-midi une série d'appels téléphoniques à des maires du pays, inquiets de la spirale de violences qui secoue le pays.

Les informations principales :

  • Plus de 1.300 personnes ont été interpellées dans la nuit de vendredi à samedi.
  • Gérald Darmanin a annoncé que cette nuit de violences a été d'une "intensité moindre", comparée à la nuit précédente.
  • Antonio Tajani, ministre italien des Affaires étrangères, a réagi à propos de la situation en France.
  • Le gouvernement a organisé samedi matin une nouvelle réunion de la cellule de crise à visée "opérationnelle".
  • Le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet a demandé l'envoi immédiat de renforts de police après les émeutes "sans précédent" marquées par des heures de pillage.
  • Le président français Emmanuel Macron reporte sa visite d'Etat en Allemagne, prévue de dimanche soir à mardi.
  • Les autorités locales ont appelé les commerçants de Strasbourg à fermer leurs établissements après les pillages survenus la veille dans plusieurs magasins du centre-ville.
  • Toute manifestation est de nouveau interdite à Marseille à compter de samedi après-midi, les transports en commun s'arrêteront à 18H00 et des renforts des forces de l'ordre sont mobilisés.
  • Les South Winners 1987, un des deux principaux groupes de supporters de l'OM, appellent samedi les "jeunes Marseillais" à faire preuve "de sagesse et de retenue".
  • Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a demandé samedi aux assureurs de prolonger les délais de déclaration, de réduire les franchises et d'indemniser rapidement les professionnels.

Dans la nuit de vendredi à samedi, les forces de l'ordre ont procédé à plus de 1.300 interpellations, un chiffre record depuis mardi, même si Gérald Darmanin a constaté une baisse d'intensité des violences avec notamment "50% de feux de véhicules en moins". Samedi en début de soirée, des petits groupes de jeunes étaient déjà réunis sur la Canebière et ont été rapidement dispersés, ont constaté des journalistes de l'AFP. A 20h00, la situation était globalement sous contrôle dans la cité phocéenne, où une source policière a rapporté sept interpellations pour vol dans un centre commercial dans le nord de la ville.

Elisabeth Borne sur le pont

En région parisienne, le centre commercial de Créteil-Soleil (Val-de-Marne) a été fermé plus tôt, à 16h00, de manière préventive, en raison de messages sur les réseaux sociaux. De nombreuses communes ont instauré un couvre-feu et les réseaux de transport en commun ont été fermés plus tôt que prévu, notamment celui des les bus et tramways d'Ile-de-France à partir de 21h00. La Première ministre Elisabeth Borne devait se rendre samedi soir tard dans la salle de commandement de la police nationale au ministère de l'Intérieur, puis dans celle de la préfecture de police de Paris pour y suivre les opérations de maintien de l'ordre, a appris l'AFP de source gouvernementale.

Samedi, Nahel a été inhumé en fin d'après-midi au cimetière du Mont-Valérien à Nanterre en présence de sa mère, de sa grand-mère et de plusieurs centaines de personnes lors d'une cérémonie "très calme, dans le recueillement et sans débordement", a rapporté un témoin à l'AFP. Dans la matinée, l'ambiance était très tendue devant le funérarium entre des groupes de jeunes et la presse, dont la présence n'était pas souhaitée par la famille, ont constaté des journalistes de l'AFP. "Paix à son âme, que justice soit faite", a lancé sous couvert d'anonymat à l'AFP une Nanterrienne en sortant du funérarium. "Je suis venue soutenir la maman, elle n'avait que lui, la pauvre".

Incendies et pillages

Les scènes de destruction et de pillages de commerces qui secouent de nombreuses villes de France ont suscité la stupeur et la colère de leurs habitants. "Ils sont venus spécialement pour casser, voler et repartir", a déploré à Marseille un commerçant du centre commercial du Merlan, Youcef Bettahar. "Moi j'étais là jusqu'à 05h00 du matin, de très très jeunes filles et garçons repartaient avec des sacs remplis, on est vraiment dégoûté de ce qu'il se passe".

Dans la nuit de vendredi à samedi, 1.350 véhicules ont été incendiés, 266 bâtiments ont été incendiés ou dégradés, dont 26 mairies et 24 écoles, et 2.560 feux comptabilisés sur la voie publique, selon le ministère de l'Intérieur, des chiffres en net recul par rapport à ceux de la nuit précédente. Des bâtiments de la police et de la gendarmerie ont été la cible d'attaque, 79 policiers et gendarmes ont été blessés. "La prochaine personne qui touche un policier ou un gendarme doit savoir qu'elle sera retrouvée", a averti Gérald Darmanin samedi soir.

La question de l'état d'urgence reste posée et surveillée à l'étranger, d'autant plus que la France accueille à l'automne la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques à Paris à l'été 2024. Les joueurs de l'équipe de France de football ont envoyé vendredi soir un "appel à l'apaisement". Cette spirale de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires ont rappelé les émeutes qui avaient secoué la France en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. Le policier de 38 ans auteur du coup de feu qui a tué Nahel a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi.

Un influent groupe de supporters de l'OM appelle les "jeunes" à la "sagesse"

Les South Winners 1987, un des deux principaux groupes de supporters de l'OM, appellent samedi les "jeunes Marseillais" à faire preuve "de sagesse et de retenue" après une nuit d'émeutes et de destructions qui "divisent" la deuxième ville de France. "En agissant de la sorte, vous salissez la mémoire" de Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier, et "vous divisez également notre ville qui incarne un pluralisme cosmopolite unique qui nous unit tous", écrit ce groupe influent auprès des jeunes dans une rare prise de parole politique. "Nous condamnons donc avec fermeté ces actes de vandalisme. Nous entendons votre colère mais nous vous implorons de la maîtriser et de la canaliser", poursuivent-ils, craignant que ces émeutes, qui ont conduit à l'interpellation de 95 personnes dans la nuit de vendredi à samedi ne donnent "du grain à moudre à tous les vautours des extrêmes".

Vendredi soir, c'étaient les organisateurs de la Hcup, un tournoi des quartiers de Marseille, organisé par des jeunes des cités paupérisées et qui réunit un grand public dans une ambiance bon enfant, qui avaient aussi appelé les jeunes au calme. Pour la nuit de samedi à dimanche, des renforts CRS, l'engagement de véhicules blindés et d'hélicoptères supplémentaires sont attendus à Marseille où toute manifestation est interdite avec des transports qui s'arrêteront en fin d'après-midi.

Vendredi soir, Kylian Mbappé a relayé un texte de l'ensemble de l'équipe de France de football appelant "à l'apaisement, à la prise de conscience et à la responsabilisation". Et pour eux, "le temps de la violence doit cesser pour laisser place à celui du deuil, du dialogue et de la reconstruction".

Les commerces de Strasbourg appelés à fermer malgré les soldes

Les autorités locales ont appelé samedi les commerçants de Strasbourg à fermer leurs établissements après les pillages survenus la veille dans plusieurs magasins du centre-ville. Place Kleber, cœur commerçant de la ville empli de policiers, l'atmosphère était étrangement calme pour un premier samedi des soldes. "On range la terrasse pour des raisons de sécurité", a expliqué à l'AFP Christophe Marchal, manager du café Starbucks, situé sur la place. La veille, le magasin Apple Store, qui jouxte son établissement, a été la cible de pilleurs, en plein après-midi, comme plusieurs autres établissements à proximité, dont une enseigne Zara ou encore un magasin Bouchara.

"C'était hyper choquant", raconte Christophe Marchal, "ils tapaient sur les fenêtres, certains préparaient des cocktails Molotov en regardant les employés qui étaient confinés à l'intérieur. On n'a pas eu de casse, on a vraiment eu de la chance." La préfecture du Bas-Rhin et la mairie de Strasbourg ont donc diffusé un message à destination des commerçants, les invitant à baisser le rideau samedi après-midi, tandis que les transports en commun on cessé de fonctionner à 13H00. Dans le centre-ville, le centre commercial de l'Aubette a ainsi fermé ses portes, "pour des raisons de sécurité", a indiqué un vigile à l'AFP.

Le maire de Lyon demande des renforts après des "émeutes sans précédent"

Le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet a demandé samedi l'envoi immédiat de renforts de police après les émeutes "sans précédent" marquées par des heures de pillage, face à des forces de l'ordre parfois "débordées" et "en nombre insuffisant". La ville "a été en proie à des émeutes avec une intensité, des dégradations et des violences sans précédent", a-t-il dit au cours d'un point-presse à la mairie après une réunion de crise. Au cours de la nuit, des dizaines de jeunes "très mobiles" circulant à pied, à vélo ou à trottinette ont sillonné les rues, avec "une quarantaine de magasins attaqués, vandalisés, pillés, une vingtaine de véhicules incendiés" et des dégradations dans tous les arrondissements, selon le bilan communiqué par l'élu.

Le dernier bilan de la préfecture fait état de 35 blessés dans les rangs des forces de l'ordre, avec notamment quatre policiers visés par des tirs à Vaulx-en-Velin, une commune populaire de la périphérie lyonnaise connue pour ses flambées de violence en 2005. "On a besoin de plus de renfort, plus de policiers nationaux pour pouvoir assurer la sécurité dans la ville de Lyon", a-t-il enjoint. "Hier soir, on a fait le constat que les policiers étaient en nombre insuffisant pour pouvoir faire face à l'ensemble des débordements", avec par moment "certaines brigades en difficulté" face à "des émeutiers extrêmement mobiles", a ajouté l'édile, tout en saluant le "sang froid" des policiers.

Deux mairies ciblées en Hauts-de-France

La mairie de Lens (Pas-de-Calais) et celle d'une bourgade de l'Oise ont été prises pour cible dans la nuit de vendredi à samedi dans les Hauts-de-France, où plusieurs locaux de la police ont également été dégradés. A Lens, la porte et des vitres latérales de l'hôtel de ville ont été dégradées, mais les fauteurs de troubles ne sont pas parvenus à entrer dans le bâtiment, a précisé la préfecture.

Dans l'Oise, la façade de la police municipale de Nanteuil-le-Haudouin a été incendiée et la mairie de Villers-Saint-Paul a été ciblée par des jets de pierre, selon la préfecture.

Nouvelle réunion de la cellule de crise à visée "opérationnelle"

Le gouvernement a organisé samedi matin une nouvelle réunion de la cellule interministérielle de crise (CIC), à visée "opérationnelle", pour faire le point après une quatrième nuit de violences urbaines, a indiqué Matignon samedi. Le directeur de cabinet de la Première ministre, Aurélien Rousseau, préside depuis 11 heures au ministère de l'Intérieur cette réunion au caractère "très opérationnel, avec tous les services et les cabinets des ministères concernés", a précisé la même source.

Elisabeth Borne avait indiqué vendredi que cette cellule de crise était désormais activée "en continu" pour suivre la situation et "prendre les décisions nécessaires". Emmanuel Macron a présidé les deux premières CIC, jeudi puis vendredi. Aucun ministre ne participe à cette troisième CIC. L'exécutif tient à "respecter le temps du deuil" alors qu'ont démarré samedi matin les obsèques du jeune Nahel, tué mardi à Nanterre par un policier, et dont la mort a embrasé de nombreuses villes en France. Les ministres ont pour leur part été priés de rester à Paris ce week-end. Ils restent "mobilisés et attentifs" à la situation.

Concerts annulés, couvre-feux

Le ministre de l'Intérieur avait également demandé aux préfets l'arrêt des bus et tramways dans toute la France après 21h00. Et de nombreuses communes avaient instauré un couvre-feu. Des manifestations "contre le racisme, les crimes et les violences policières" ont également été interdites vendredi soir à Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux ou Toulouse.

Le gouvernement a aussi décidé l'annulation d'événements "de grande ampleur", notamment les concerts de Mylène Farmer au stade de France vendredi et samedi. La cellule interministérielle de crise s'est réunie une nouvelle fois samedi matin, autour du directeur de cabinet de la Première ministre, Elisabeth Borne pour faire le point de la situation. Les ministres ont pour leur part été priés de rester à Paris ce week-end.