C'est un profil totalement atypique, inédit. En fonçant sur la foule à bord d'un poids-lourd, le 14-Juillet sur la Promenade des Anglais, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a bien répondu aux appels meurtriers de l'Etat islamique. Mais alors que l'enquête progresse, ses motivations religieuses se sont de plus en plus incertaines.
"Un plaisir barbare". Depuis vendredi, les enquêteurs ont longuement examiné l'ordinateur du tueur de Nice. Selon les informations d'Europe 1, ils ont découvert son obsession pour les vidéos les plus abominables diffusées sur Internet par l’organisation Etat islamique. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel regardait en boucle les séquences les plus épouvantables, celles où les atrocités sont filmées en détail.
Or, on sait que depuis des années, le Tunisien à la personnalité ultra-violente, impulsive, infligeait des sévices à sa femme et ses enfants. *il est d'ailleurs décrit par plusieurs témoins comme "un sadique". A ce stade, les policiers sont convaincus que c’est avant tout sa fascination pour l’hyper-violence qui l’a poussé à s’intéresser, tout seul, à Daech. S'il a fini par commettre cet attentat, inspiré et incité par les messages de l’Etat islamique, c'est pour le "plaisir barbare" d’écraser un maximum de gens.
Des considérations politiques plus que religieuses. Ce week-end, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a cependant évoqué la "radicalisation très rapide" de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Car en réalité, depuis qu’il a décidé de passer à l’action et de louer ce camion - le 4 juillet dernier -, le Tunisien a commencé à épouser les codes religieux de Daech. Alors qu'il buvait régulièrement selon plusieurs témoignages, il a subitement arrêté de consommer de l'alcool.
Auprès de son entourage, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait commencé à parler de l’Etat islamique, mais sous un aspect géopolitique. Il expliquait que le groupe terroriste devrait être reconnu comme un Etat à part entière, avec un territoire. Des considérations politiques mais pas spécialement religieuses, donc. On peut avoir affaire à une radicalisation mais dans la violence, plus que dans l’islamisme.
Aucun soutien financier. Pour l'heure, les enquêteurs ne sont pas parvenus à établir des liens directs entre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et des radicaux. Son entourage était davantage constitué de petits trafiquants niçois, notamment ceux qui sont en garde à vue. Mais parmi eux, certains côtoient des islamistes radicaux. L'enquête montre par ailleurs que Bouhlel avait besoin d'argent.
Selon nos informations, il a tenté d’obtenir des crédits à la consommation pour des sommes de 1.000 à 5.000 euros. A chaque fois, son dossier a été rejeté. Ces derniers temps, le tueur de Nice retirait un maximum d’argent autorisé sur son compte, peut-être pour financer la location du camion et l’achat d’arme. Visiblement, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n'a bénéficié d’aucun soutien financier.
Pour l'instant, l'hypothèse privilégiée par les enquêteurs reste donc celle d'un homme qui aurait trouvé, grâce à la propagande de l'Etat islamique, un mode opératoire et une raison d'assouvir ses pulsions sanglantes.