Quelles leçons tirer des arrestations en série survenues à Paris et Bruxelles après les attentats de mardi et de la somme d'informations collectées depuis le 13-Novembre ? Pour y répondre, Olivier Roy, politologue et spécialiste de l’Islam, était l'invité de David Abiker dans C'est arrivé cette semaine.
Vaste réseau, vastes ramifications. Le principal enseignement des diverses arrestations est, selon le politologue, la démonstration que les attentats de Bruxelles "sont liés par leurs auteurs et complices à ceux de Paris." Il n'y a pas tant de réseaux radicaux et de cellules dormantes. C'est un grand réseau d'une remarquable continuité. Toutes les personnes qui ont agi se connaissent." Le politologue rappelle qu'il y a quand même quatre fratries parmi les terroristes. Mais "tous se connaissent depuis la petite enfance ou ont fait de la prison ensemble". Ils sont aussi liés à d'autres réseaux qui ont commis d'autres attentats.
Phénomène nouveau dans le terrorisme. Ce phénomène de réseau imbriqué est nouveau. "Dans les groupes terroristes, on trouve en général des gens qui ont des motivations personnelles de radicalisation et qui se mettent ensemble parce qu'ils partagent les mêmes idées, mais qui peuvent venir de milieux différents. Là, on a l'impression que c'est une bande de copains, voire la fratrie, qui se radicalise toute seule ou via un intermédiaire, en général l'un des frères qui est allé en Syrie. Cette proximité va de pair avec un genre de transmission du flambeau d'anciens terroristes."
A la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. On s'éloigne ainsi de la "théorie de la 5e colonne", qui veut que le djihadisme peut se réveiller partout en France. "Ces jeunes sont à la marge de la société mais aussi de la population musulmane elle-même. Ils sont très peu socialisés, aucun d'entre eux n'est un pilier de mosquée. On ne les retrouve pas dans les mouvements pro-palestiniens, ni dans les émeutes de 2005. Ils vivent dans leur petit monde fermé." Pour Olivier Roy, c'est à la fois une bonne nouvelle - dans le sens où l'on n'assiste pas à une radicalisation de la population musulmane en Europe- mais c'est aussi une mauvaise nouvelle sur le plan technique parce que ces réseaux de frères et de copains sont très difficiles à pénétrer pour la police.
"La France pas spécialement visée". Pour le politologue, il ne s'agit pas d'un problème franco-belge. Il rappelle les attentats de Madrid en 2004, en Grande-Bretagne en 2005 et 2007. Si, pour lui, les attentats se déroulent en France en ce moment, c'est parce qu'il y a dans le territoire "une surreprésentation des jeunes de seconde génération d'origine du Maghreb dans les volontaires qui rejoignent le djihad". Sur 15 ans, le politologue indique qu'il y a eu des attentats partout en Europe. "La France n'est pas particulièrement visée".
"Molenbeek, quartier un peu laissé à lui-même". Que dire alors du quartier belge de Molenbeek, qui concentre les attentions ? "Ce quartier est à très forte population musulmane. Mais ces jeunes ne sont pas des poissons dans l'eau. Ils bénéficient de leurs réseaux de jeunes délinquants. On est pas dut tout sur des réseaux militants, les mosquées et croyants ne les protègent pas. C'est aussi un problème structurel de la Belgique, avec les divisions entre administrations, avec la régions flamande, francophone, bruxelloise, les différentes polices, etc. Moleenbeck est un quartier que l'Etat a laissé un peu à lui-même."
Les attentats, signes "d’affaiblissement". Pour le politologue, Daech est passé au djihad global en réaction à son affaiblissement et aux frustrations sur le terrain. "On en a l'illustration avec la reprise de Palmyre". L'état n'est plus en expansion conformément à ce que veut le califat. Il recule même.