L'Etat ne doit pas organiser l'islam en France, qui relève de la responsabilité des musulmans, souligne le rapport publié mercredi d'une mission d'information sénatoriale préconisant une limitation de l'influence des pays d'origine et une transparence des financements. "Si on veut être conforme à la loi de 1905, l'Etat peut encadrer, aider, accompagner, mais il ne doit pas prendre des initiatives", a expliqué la rapporteure Nathalie Goulet, sénatrice de l'Orne.
Un État français "schizophrène". Ce rapport est plutôt critique sur l'action de l'Etat face à l'islam. Ainsi, la pratique des "imams détachés" par des Etats étrangers - environ 300, sur quelque 1.800 œuvrant dans 2.500 mosquées - illustre selon les rapporteurs "la 'double sincérité' du discours officiel sur la nécessité de limiter l'influence des pays d'origine quand, dans le même temps, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Affaires étrangères passent des accords avec plusieurs d'entre eux" (Algérie et Maroc notamment). "Il y a là une duplicité, pour ne pas dire une schizophrénie", a commenté auprès de Nathalie Goulet.
Pour les rapporteurs, l'ambiguïté de l'État "s'est à nouveau manifestée à travers les projets de relance" d'une "fondation des œuvres de l'islam" censée recueillir des financements pour les lieux de culte et la formation des imams et aumôniers, dont la préfiguration a été confiée à un haut fonctionnaire alors qu'"il appartient à la communauté elle-même" de s'en saisir.
Et la taxation du hallal ? La mission observe également avec circonspection la perspective d'une "taxehalal", en relevant qu'elle n'est "envisageable que si elle est mise en place par les représentants du culte eux-mêmes comme une redevance privée pour services rendus, à l'image de la cacherout" juive. Elle conteste l'"oligopole" sur ce marché de trois mosquées (Paris, Evry, Lyon) qui, "par l'opacité de son fonctionnement, semble susciter beaucoup de méfiance de la part de la communauté musulmane".
Le CFCM, une instance trop fragile. Notant les critiques qui pèsent sur le Conseil français du culte musulman (CFCM), instance élue mais fragile, les rapporteurs "considèrent qu'il appartient aux communautés de s'organiser elles-mêmes dans le cadre de nouvelles modalités tenant davantage compte des exigences de représentativité". Car le rapport n'est pas plus tendre avec le CFCM qu'avec les pouvoirs publics sur des "défis", comme la formation des imams, "qui sont autant d'urgences". "Force est de constater que les instances représentatives actuellement constituées n'appréhendent pas ces questions et sont encore moins en mesure d'y apporter une solution", cingle la mission.