La désignation d'une jeune métisse pour incarner Jeanne d'Arc aux prochaines festivités annuelles célébrant l'héroïne d'Orléans a déclenché sur les réseaux sociaux un déferlement de commentaires haineux des tenants de la droite identitaire.
Une métisse comme cinquantième Jeanne d'Arc. Mathilde Edey Gamassou - qui a des origines béninoises par son père et polonaises par sa mère - a été choisie parmi environ 250 candidates pour être la cinquantième incarnation de Jeanne d'Arc lors des fêtes johanniques célébrant chaque année au printemps la victoire en avril 1429 de la pucelle sur les Anglais qui assiégeaient Orléans. La jeune fille de 17 ans est élève de 1ère, pratique l'escrime et le chant lyrique au conservatoire d'Orléans.
Quel honneur de présenter la jeune fille qui figurera Jeanne d’Arc lors des fêtes 2018, sous l’œil bienveillant de celles qui ont vécu cette fabuleuse expérience par le passé ! #persévérance#humilité#couragepic.twitter.com/4jJBMzmqmL
— Olivier Carré (@olivier_carre) 19 février 2018
"Jeanne d'Arc n'appartient pas aux identitaires". La secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre femmes et hommes, Marlène Schiappa, a apporté mercredi "tout [son] soutien" à la lycéenne, affirmant que "Jeanne d'Arc n'appartient pas aux identitaires" et "l'histoire de France non plus". "La haine raciste de la fachosphère n'a pas sa place dans la République française", a tweeté la secrétaire d'État.
Tout mon soutien à Mathilde Edey Gamassou. #JeanneDarc n'appartient pas aux identitaires. L'Histoire de France non plus.
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 21 février 2018
Je vois dès demain matin la @DILCRAH : la haine raciste de la fachosphère n'a pas sa place dans la République française. https://t.co/TkHhx74zts
La lycéenne "portera notre histoire de France à tous", estime la présidente du comité. Bénédicte Baranger, présidente du comité Jeanne d'Arc, déplore la "polémique" et se déclare "triste de penser que ce choix puisse susciter la moindre récupération". La présidente de l'instance qui a décidé de distinguer Mathilde Edey Gamassou a rappelé que "cette jeune fille a été choisie pour ce qu'elle est, une personnalité intéressante et un esprit bien fait".
"Elle répond aux quatre critères de choix que nous nous sommes fixés : résider à Orléans depuis dix ans, être scolarisée dans un lycée orléanais, être catholique et donner du temps aux autres", a-t-elle insisté. "Il n'y a aucune provocation, elle portera notre histoire de France à tous, comme l'ont fait les autres Jeanne avant elle."
Une jeune fille qui a toutes les qualités. Sur Twitter, le maire d'Orléans Olivier Carré (indépendant, ex-LR) a enfoncé le clou : "Mathilde a été choisie par le jury. Seul critère : qu'en 2018 comme depuis 589 ans, le peuple d'Orléans célèbre Jeanne d'Arc par une jeune femme qui évoque son courage, sa foi et sa vision. Mathilde possède toutes ces qualités."
Mathilde a été choisie par le jury:Ville. Armée,Clergé,les Jeanne œuvrant dans l’association.Seul critère:qu’en 2018 comme depuis 589 ans,le peuple d’Orléans célèbre Jeanne d’Arc par une jeune femme qui évoque son courage,sa foi et sa vision.Mathilde possède toutes ces qualités.
— Olivier Carré (@olivier_carre) 21 février 2018
Une "propagande pro-métissage", selon l'extrême droite. Sur des sites Internet d'extrême-droite, ce choix est dénoncé notamment comme "une propagande pro-métissage, début d'une tentative de transformer l'histoire en un récit où ce seront les arabes et les noirs qui ont fait l'histoire de France depuis les débuts". Sur le site anti-musulman Résistance républicaine, un commentaire va jusqu'à prédire : "L'an prochain, Jeanne d'Arc sera en burqa." La 589ème édition de la célébration de la levée du siège d'Orléans pendant la Guerre de 100 ans se déroulera du 28 avril au 8 mai.
Une enquête ouverte
Une enquête préliminaire a été ouverte vendredi pour "provocation publique à la discrimination et la haine raciale" à propos de deux tweets comparant la jeune fille à un singe. La justice va tenter de déterminer l'identité des personnes qui se cachent derrière deux comptes Twitter particulièrement virulents, rapporte France Bleu.
L'objectif est d'"identifier les auteurs de ces tweets qui relèvent clairement de l'application de la loi pénale", a déclaré le procureur d'Orléans. L'auteur du premier compare la jeune fille à un babouin, et le second, répondant au premier, montre une photo de bananes, a-t-il précisé. Les faits sont passibles d'une peine de cinq ans de prison, a-t-il précisé.