C'est le drapeau de la discorde, dans la commune de Cagnes-sur-mer, dans les Alpes-Maritimes. Selon les informations de France Bleu Azur, deux habitantes d'une petite résidence située à deux pas de la plage ont refusé d'obéir au syndic de leur immeuble. Ce dernier leur demandait de retirer les drapeaux bleu-blanc-rouge qu'elles arboraient sur leur balcon en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier à Paris et Saint-Denis. Mais que dit la loi sur le pavoisement ?
Peut-on accrocher un drapeau d'un pays à son balcon ? Selon France Bleu Azur, Arlette, 76 ans, et Anne-Marie, 72 ans, ont reçu le même courrier de leur syndicat de copropriété J&E Noailly. Dans cette lettre, le syndic leur rappelle qu'il est interdit de "modifier l'aspect" de la façade. Mais que dit exactement la législation ? "Arborer un drapeau relève clairement de la liberté d'expression", explique d'abord Nicolas Hervieu, juriste au Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux (CREDOF). "Par conséquent, en principe, chaque citoyen est parfaitement libre d'arborer comme il l'entend le drapeau bleu-blanc-rouge français à son balcon".
"Toutefois, dans cette affaire à Cagnes-sur-mer, il semble que le syndic n'ait pas souhaité nier la liberté d'expression, mais simplement la concilier avec les droits et intérêts des autres habitants". Si le syndic estime que le drapeau constitue un trouble sérieux pour le voisinage, il pourrait donc obtenir gain de cause et faire retirer le drapeau. Encore faut-il qu'il motive sa demande. Et dans le cas d'un drapeau de taille classique et peu gênant pour les voisins, les motivations seront difficiles à trouver…
Peu importe la nationalité du drapeau ? Lors de la Coupe du monde 2014, le maire LR de Nice Christian Estrosi avait pris un arrêté le 4 juillet pour interdire "l'utilisation ostentatoire de drapeaux étrangers". Un arrêté pris à l'époque au lendemain d'incidents qui avaient accompagné la qualification de l'Algérie pour les 8es de finale du Mondial. Mais la justice administrative a décidé de suspendre l'arrêté anti-drapeaux étrangers. "Tant que le drapeau et son usage ne sont pas constitutifs d'un véritable trouble à l'ordre public, il n'y a strictement aucune raison de l'interdire", abonde Nicolas Hervieu.
Et les bâtiments publics ? Sont-ils obligés d'afficher le drapeau français ? S'il est possible d'arborer un drapeau chez soi ou dans l'espace public, qu'en est-il pour les édifices publics (mairies, écoles, hôpitaux, etc.) ? "Le drapeau tricolore peut être arboré dans tous les bâtiments publics", affirme le juriste au CREDOF Nicolas Hervieu. "La seule limite sera celle de la sécurité des agents et usagers du service public". Par exemple, on ne pourrait pas imaginer un drapeau immense sur la façade d'une école qui gênerait l'entrée des élèves.
Les bâtiments publics ont donc le droit de pavoiser librement mais y sont-ils tenus par la loi ? "Il est ici question d'usage, de tradition républicaine", assure Nicolas Hervieu. Mais en principe, il n'y a pas d'obligation légale ou réglementaire d'arborer ce drapeau, comme l'a souligné une réponse ministérielle en 2005 : "si l'article 2 de la Constitution de 1958 dispose que l'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe les règles du pavoisement des bâtiments et édifices publics". Au même titre que le buste de Marianne ou le portrait du président de la République, le drapeau n'est donc pas obligatoire. "Par contre, arborer un autre drapeau que français ou européen sur un édifice public peut être interdit au nom du principe de neutralité".
Et les lors des fêtes nationales et des cérémonies officielles ? Le drapeau n'est pas obligatoire mais de "bon ton" en certaines circonstances. "Un maire qui refuserait d'arborer le drapeau national lors de fêtes nationales ou cérémonies officielles, malgré les consignes gouvernementales, risquerait d'être suspendu par le ministre de l'Intérieur", nuance Nicolas Hervieu. De plus, concernant les cérémonies officielles, un décret de 1989 encadre explicitement la mise en berne des drapeaux.
Et le drapeau européen ? Les bâtiments publics doivent-ils l'arborer ? Quant au drapeau européen, il n'y a pas non plus d'obligation légale ou réglementaire, mais une circulaire du 4 mai 1963 précise qu'il ne peut être arboré sans le drapeau français à ses côtés.