Le service militaire sera-t-il l’invité surprise de la campagne présidentielle ? Garant d’une certaine mixité sociale aux yeux d’Arnaud Montebourg ou de François Bayrou, il est aussi, selon Nicolas Sarkozy, une réponse au décrochage scolaire. "Tout jeune de 18 ans qui n’aura pas d’emploi ou de formation se verra obligé de participer à un service militaire où il apprendra à se lever tôt, à respecter la discipline et même à parler français", a déclaré mercredi le candidat à la primaire de la droite et du centre lors de son intervention à l’université d’été du Medef.
Les résultats prometteurs du service militaire adapté. L’idée n’est pas nouvelle. Nicolas Sarkozy l’avait déjà évoquée en avril dernier, en s’appuyant sur un dispositif en place dans les territoires d’outre-mer, le service militaire adapté (SMA), qui permet à des jeunes de 18 à 25 ans de se former à un métier pendant six à douze mois sous la houlette de militaires. En 2015, 5.746 personnes ont pu en bénéficier avec un taux d’insertion de 76,3%, en dépit d’une forte proportion d’illettrés (38,7%) et de non-diplômés (63%), selon les derniers chiffres de l’organisme.
"L’armée a historiquement une double fonction : celle de protéger la nation tout en participant à l’intégration sociale et à la formation", confirme Sébastien Jakubowski, maître de conférences en sociologie militaire au Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clerse). Reste une différence de taille : le SMA s’appuie sur le volontariat tandis que Nicolas Sarkozy compte le rendre obligatoire pour les décrocheurs. "L’armée est ici vue comme une sanction. L’institution militaire n’est pas une prison ou un centre d’enfermement contraint, déplore le chercheur. Le SMA fonctionne justement parce qu’il est basé sur une démarche personnelle".
Une sélection discriminatoire. Autre difficulté : l’aspect discriminatoire d’une telle mesure. Contrairement à ses homologues politiques, Nicolas Sarkozy ne souhaite pas que tous les jeunes majeurs fassent leur service militaire mais seulement "les décrocheurs qui depuis la 3e ne vont plus à l’école et qu’on retrouve à 18 ans à postuler au RSA". "Cibler une partie de la population sur leur prétendue oisiveté ou leur insuffisance de formation est contraire à notre Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme", assure Nicolas Hervieu, juriste au Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux (Credof). Néanmoins, s’il est élu, Nicolas Sarkozy pourrait relativement facilement contourner cette difficulté. "Rien n’empêche de conditionner l’octroi de certaines aides publiques à la contribution au service militaire", précise le chercheur.
Difficultés logistiques. L’ancien chef de l’Etat devra cependant se confronter à un problème logistique de taille : l’armée n’est pas en mesure à l’heure actuelle de prendre sous son aile les quelque 110.000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni formation. "Il y a une question très pratique que les dirigeants politiques oublient souvent, note Sébastien Jakubowski. Il n’y a pas suffisamment de places dans les casernes, de formateurs, de locaux pour accueillir ces nouveaux conscrits. Sans compter toute l’organisation bureaucratique nécessaire pour soutenir un tel projet".
Nicolas Sarkozy a évoqué le chiffre de 400 millions d’euros pour la mise en place d'un tel projet. Budget qu’il compte faire peser sur le ministère de l’Education nationale et non sur celui de la Défense. Mais cette estimation semble sous-évaluée si on la compare au budget du SMA : en 2015, le dispositif a coûté 74 millions d’euros pour moins de 6000 bénéficiaires.