La scène se passe sous la lumière glauque des toilettes d'un collège : on devine, plus qu'on ne voit, une jeune fille en train de faire une fellation à un camarade. Vient ensuite une voix off qui met les choses au clair : "en France, des milliers d'enfants sont prostitués, il est temps d'agir". Ce clip vidéo choc, l'association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE) l'assume : "il fallait taper fort, pour dénoncer un phénomène complètement tabou", confie la présidente de l'association, Armelle Le Bigot Macaux, à Europe1. Explications.
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"Une nouvelle forme de prostitution ". L'objectif de l'ACPE ? Sensibiliser les parents et la société à une réalité difficile à admettre : une nouvelle forme de prostitution "volontaire" touche les jeunes, parfois au sein même de leur établissement scolaire. De quoi parle-t-on exactement ? "De fellations pratiquées pour de 'l'argent', 'un cadeau' ou tout simplement 'pour faire comme les copines'", précise Armelle Le Bigot Macaux qui, sans avoir de données officielles, a eu des retours "hallucinants" d'enseignants ou de pédopsychiatres confrontés sur le terrain à ce phénomène.
Un phénomène impossible à quantifier… Il n'existe pas de statistiques officielles sur ce phénomène qui ne dit pas son nom. Et pour cause : une pédopsychiatre contactée par Europe1 explique que la plupart du temps les adolescents concernés n'ont absolument pas conscience de se prostituer. "C'est une réalité impossible à quantifier", admet la présidente de l'ACPE. Un sondage, réalisé par OpinionWay pour l'ACPE, donne toutefois un éclairage : 25 % des adultes interrogés disent ainsi avoir déjà entendu parler de prostitution dans les toilettes des établissements scolaires.
… mais des témoignages bien réels. Parmi les témoignages d'enseignants et de pédopsychiatres recueillis par l'association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE), il y a ce mail reçu mardi : un thérapeute y relaie le désarroi d'une ado de 15 ans que des garçons menacent de "dénoncer" sur le réseau social Ask.fm parce qu'elle a fait des fellations. Contactée par Europe1, une prof en ZEP, exerçant en Seine-Saint-Denis, confie avoir entendu parler d'un problème de prostitution dans son collège, mais sans savoir exactement ce qui s'est passé.
Également contactée par Europe1, la pédopsychiatre, Gisèle George, raconte recevoir en consultation des ados n'ayant absolument pas conscience de se prostituer. "J'ai par exemple eu le cas de cette jeune fille qui se plaignait de s'être disputée avec une amie. Quand je lui ai demandé pourquoi, elle m'a répondu : 'parce que je fais des pipes à 35 euros alors qu'elle, elle les fait toujours à 30'", relate t-elle.
Bientôt un rendez-vous avec Najat Vallaud-Belkacem. "Je sais que le phénomène existe", a indiqué vendredi la ministre de l'Education nationale en assurant que le sujet n'était pas tabou. A la demande de Najat Vallaud-Belkacem, l'ACPE va d'ailleurs être reçue la semaine prochaine au ministère, a assuré à Europe1 Armelle Le Bigot Macaux. Ce rendez-vous pourrait-il conduire, par exemple, à la diffusion du clip au sein des établissements scolaires pour sensibiliser les collégiens ? "Je ne suis pas contre, mais ce n'est pas à moi de prendre cette responsabilité", répond la présidente de l'ACPE.