Des moteurs volontairement sabotés, des tags "Allah akbar" sur les trappes de remplissage de kérosène… D'après le Canard Enchaîné, les incidents dus à la montée de l’islamisme radical au sein d’Air France se multiplient ces derniers mois. Des informations particulièrement alarmantes, qui posent notamment question sur la sécurité garantie par la compagnie. "Il s'agit de rumeurs infondées ou d'événements sortis de leur contexte", réfute pourtant Air France dans un communiqué, mercredi. Qui a raison, qui a tort ? Le constat est plus complexe qu'il n'y paraît.
- Plusieurs tags "Allah Akbar" ? Oui, mais...
Dans son édition de mercredi, le journal fait état d'une quarantaine d'avions d'Air France bombés de l'inscription "Allah Akbar". Selon les informations d’Europe 1, ce seraient sept et non quarante inscriptions qui auraient été découvertes sur les trappes des appareils de la compagnie aérienne. Tous en provenance de Casablanca. En juillet 2015, un tel graffiti avait d'ailleurs été retrouvé lors d'un ravitaillement au Maroc, sur l’aile droite d’un Airbus, juste à côté de l’ouverture pour le kérosène. En cela, le cas d'Air France n'est pas isolé : cinq de ces inscriptions ont été observées sur les avions d'EasyJet depuis fin 2015, dont une en février dernier. Autre précision : parmi les tags repérés chez Air France, d'autres inscriptions pouvaient également être lues, comme "je t’aime" ou encore "D’Artagnan".
- Israël remplacé par "Bande de Gaza" sur une carte ? Pas tout à fait
En août 2015, c’est le système Géovision, géré par des sous-traitants d’Air France et permettant aux passagers de suivre le trajet de leur avion en direct sur une carte, qui avait été piraté. Sur le vol Los Angeles-Tel-Aviv via Paris, le nom d’Israël avait ainsi été remplacé par "Palestine", et non "Bande de Gaza", comme l'affirme Le Canard Enchaîné. L’enquête menée par la GTA (Gendarmerie du transport aérien) n’a pas permis d’identifier l’auteur de cette "intervention malveillante", et aucun lien n'a pu être fait avec l'islamisme radical. Par ailleurs, aucune source n’a entendu parler d'un autre piratage supposé, qui aurait, selon le journal, remplacé le Maroc par "Khalifa".
- Des "moteurs relais" sabotés ? Un parallèle non avéré
Le Canard Enchaîné fait également cas de plusieurs "avaries" du "moteur relais, censé contrôler les réacteurs depuis le cockpit". Après enquête des services de renseignement, un suspect aurait ainsi été identifié. Employé d’Air France, il s’agirait d’un Français converti, qui aurait fui vers le Yémen "dès qu’il s’est senti surveillé". Air France, qui nie les troubles constatés, explique en fait que l’homme a été licencié suite à une absence de longue date injustifiée. Ceci dit, celui-ci a bien été localisé au Yémen après les faits.
- Un agent refuse de guider un avion piloté par une femme ? Une "légende urbaine"
Le quotidien évoque enfin l’histoire d’un agent de piste de Roissy, qui aurait "refusé de guider un avion d’Air France qui venait d’atterrir, au motif que le commandant de bord était une femme". Mais du côté de la compagnie, on assure que du sol, l'agent n'a pas pu distinguer l'identité du pilote et qu'un tel agissement aurait été immédiatement signalé et sanctionné. Le préfet délégué à la sécurité n'a lui pas été averti de cet incident. Certains, dans son entourage, parlent même d'une "légende urbaine".
- 73 badges retirés ? Oui, mais...
Air France continue en tout cas de traquer tout signe de radicalisation chez ses agents. "La direction de la sûreté de la compagnie travaille pour cela en étroite collaboration avec les différentes autorités aéroportuaires et services de l'État", précise le groupe.
En 2015, plus de 4.000 casiers de personnels avaient été perquisitionnés. Plusieurs "signaux faibles" de radicalisation y avaient été retrouvés : corans annotés, tapis de prière - interdits sur les lieux de travail - mais aussi parfois des documents salafistes. Dix-neuf badges avaient été retirés et 54 employés s’étaient vus refuser leur premier badge, soit un total de 73 interdictions pour l'année 2015 - le Canard Enchaîné préférant la formule "ces derniers temps". Un seul de ces retraits prononcé dans une société de sécurité, en juillet 2015, concernait un homme radicalisé… d'ultra-droite, voire néonazi.
À la fin de l’année, les dossiers des quelque 86.000 employés qui travaillent sur la plateforme aérienne à Roissy ont à nouveau été passés au crible. Résultat : 18 refus de délivrance et 6 retraits ont été actés en 2016. Parmi les agents travaillant pour des sociétés de sûreté, ciblés en priorité, aucun n’a été mis en cause.
Mardi, le tribunal administratif devait trancher entre Air France et deux de ses salariés, qui reprochaient à la compagnie de leur avoir retiré l’accès à des installations classées secret-défense sans raison valable. Le tribunal a finalement donné raison à l’un des deux, "le risque qu’il ferait courir à la sécurité des installations aéroportuaires ou à la sûreté de l’État" n’étant pas établi.