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REPORTAGE - En immersion dans le quartier pour radicalisés de la prison d'Aix-en-Provence

Gwendoline Debono, édité par Romain David - Mis à jour le . 3 min

Ouvert en 2019, ce quartier dévolu à la déradicalisation des détenus dont l’administration estime qu'ils peuvent évoluer et renoncer à leur idéologie, accueille deux prisonniers. Étroitement surveillés, ils rencontrent psychologues, islamologues et autres éducateurs, dont l'objectif est de les amener "à penser librement". 

Mardi s’ouvre le procès de Bilal Taghi, détenu radicalisé qui a tenté d’assassiner deux surveillants dans la prison d’Osny, en septembre 2016 . Cette attaque terroriste a été la première en milieu carcéral. Depuis, le dispositif de détention des détenus radicalisés a été totalement repensé. Les personnes écrouées pour fait de terrorisme sont toutes évaluées pendant quatre mois. Quelque 378 terroristes présumés ont ainsi déjà été évalués. Ceux qui présentent le plus de risque de passage à l’acte vont en quartier d’isolement, ceux qui sont prosélytes - mais qui peuvent évoluer (12 à 15% d’entre eux) - se retrouvent dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation. Europe 1 a pu se rendre sur place.

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Il existe quatre quartiers de prévention de la radicalisation (QPR) en France. Celui d’Aix-Luynes, à quelques kilomètres d'Aix-en-Provence, qui a ouvert en 2019, accueille actuellement deux détenus. On y accède par un long couloir, éloigné des autres bâtiments de la prison. Chaque cellule est ultra sécurisée : les meubles sont scellés au sol et un protocole précis est appliqué avant l’ouverture des portes. "On demande au détenu de s’avancer d’un pas. À la sortie de la cellule, il est pris en charge par deux agents, avec une palpation de sécurité et un détecteur de métaux", explique un surveillant à Europe 1. "Si on doit le remettre en cellule pour cinq minutes, et ensuite le faire ressortir, le protocole de sécurité sera encore le même."

Les détenus accueillis dans ce quartier ne croisent jamais ceux de la détention classique. Ils n’ont ni la même cour de promenade, ni le même parloir. Il s’agit d’une véritable prison dans la prison, pour ne laisser au terroriste présumé aucune chance d’embrigader les autres détenus.

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"Les amener à s’ouvrir sur d’autres horizons et à s’autoriser à penser librement"

Terminer le temps où l’on se contentait de rassembler les détenus radicalisés. Depuis 2016, l’administration entend les désengager de leur idéologie violente. À Aix-Luynes, chaque détenu rencontre des psychologues, des islamologues mais aussi des spécialistes de géopolitique. Dans la bibliothèque du QPR, sur l’une des premières étagères : un live de cuisine, une biographie de Coluche et l’histoire du monde illustrée. Il faut passer devant ces ouvrages pour arriver au Coran. Un choix qui ne doit rien au hasard. "L’idée n’est pas d’orienter les personnes dans leur croyance, mais de les amener à s’ouvrir sur d’autres horizons et à s’autoriser à penser librement. Parfois, ils vont aller vers des ouvrages qu’ils n’auraient pas forcément découvert avant leur entrée au QPR", explique un membre de la mission de lutte contre la radicalisation violente.

Lutter contre la dissimulation

Les détenus peuvent aussi demander des livres. Leurs lectures sont très observées pour évaluer leur niveau de radicalité. Car l’un des enjeux des QPR est de percer toute tentative de dissimulation. Les détenus sont scrutés en permanences, par des surveillants qui ont suivi une formation spécifique, par des psychologues et des éducateurs, autant de professionnels hommes et femmes qui, tous les six mois, se réunissent autour d’une table pour discuter du cas de chaque prisonnier. Pour l’administration pénitentiaire, ces points d’étapes permettent de limiter le risque de dissimulation.

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Pour l’instant, seuls 13 détenus sont sortis des QPR, au bout d’un an et demi en moyenne. Huit d’entre eux ont pu rejoindre la détention classique. Les autres ont été placés en quartier d’isolement. Si le dispositif semble fonctionner, il ne résout pas le problème des longues peines. "Garder quelqu’un en QPR pendant 20 ans n’aurait aucun sens", admet un membre de l’administration pénitentiaire.

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