Faire carrière dans les quartiers Nord de Marseille : “On a l'impression que la société joue contre nous”

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Eloïse Bertil , modifié à
TEMOIGNAGE - Partie de rien, Hamida est la première à avoir ouvert une boutique de mode en plein coeur des quartiers Nord de Marseille, à La Viste. Un chemin semé d’embûches dans cette cité isolée où le chômage touche plus d’un quart de la population. Dans le podcast “Dans les yeux d’Olivier”, Hamida raconte son parcours.
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“C’est vrai que plus jeune, quand on voit une copine ou un copain qui vient des quartiers Sud et qui a une meilleure vie, on se sent isolé. On se dit : ‘Pourquoi pas nous ?’”. Dans le podcast “Dans les yeux d’Olivier”, Hamida raconte qu’elle n’a jamais rêvé de quitter sa cité pour connaître une vie meilleure ailleurs. Elle s’est au contraire toujours imaginée travailler dans le 15e arrondissement où elle a grandi. Aujourd’hui, Hamida est la propriétaire du premier magasin de prêt-à-porter féminin des quartiers Nord, prouvant à tous qu’il est possible d’y connaître la réussite professionnelle. 

Hamida a atteri à La Viste à l’âge de huit mois et s’y est construite grâce à sa famille très soudée. Ses oncles, ses tantes et ses grands-parents étaient tous voisins de palier du même immeuble. “C’était l’époque où les mamans ne travaillaient pas, ne pouvaient pas se permettre de sortir autant et de m’offrir autant de choses qu’on peut aujourd’hui offrir à nos enfants.” C’est la vie qu’elle découvre au centre social du quartier, entre les colonies de vacances et les séjours au ski, qui fait naître en elle l’envie de réussir. Elle explique : “On n'a pas envie d'être comme nos mères en fait, enfermées dans une vie routinière.” En grandissant, Hamida s’intéresse de plus en plus à la mode. Après un bac pro en marketing, elle s’inscrit en fac de droit, mais rate sa première année. Âgée de 25 ans, elle décide alors de revenir au projet qui est cher à son coeur : monter une boutique de mode dans le 15e arrondissement. Mais à la mission locale de Marseille, personne ne la prend au sérieux. Elle comprend qu’être issue des quartiers Nord est un véritable frein dans le monde du travail. “L’Etat ne finance pas les hobbies”, lui répond-t-on. “Puisque l’on ne nous donne pas de job, il faut se le créer”, affirme Hamida au micro d’Olivier Delacroix. 

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“On a souvent les projecteurs braqués sur nous, sur des événements tragiques, à la rubrique faits divers. Par contre, quand on parle de travail, quand on a envie de créer sa boîte, là, tout de suite, il y a des portes qui se ferme. On a l'impression que la société joue contre nous.”

Sans aucune aide ni formation spécialisée, Hamida décide alors de se débrouiller seule. Elle se fait embaucher dans un magasin de vêtements et investit l’argent gagné dans la création d’un business de revente sur les réseaux sociaux. Dans le podcast, elle explique : “J'avais un stock de chaussures, un stock d'accessoires, de bijoux uniquement. Et ça a pris énormément sur les réseaux sociaux. J'étais tous les jours à Marseille en train de livrer sur des points de rendez vous et beaucoup dans les quartiers notamment.”  Elle se tourne également vers Planet Adam, une structure d’aide à la création d’entreprise dans les quartiers populaires. “Je leur ai expliqué que je vendais depuis mon domicile, et que je faisais la livraison gratuite sur Marseille. Ils m'ont pris pour une folle et en même temps, ils m'ont dit que ce que je faisais était super novateur”, ajoute-t-elle. Grâce à cette association, dans les mois qui suivent, Hamida se fait matriculer, développe son “business plan”, trouve des premiers financements ainsi qu’un local pour sa boutique. 

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“Quand on vient des quartiers, on entend plus facilement une kalashnikov tirer que des entrepreneurs qui se battent tous les jours pour créer de l'emploi et améliorer les conditions de vie de leurs enfants. Et dans la balance, la kalashnikov remporte toujours le jeu médiatique.”

Aujourd'hui, le business d'Adidas se porte très bien, grâce notamment aux réseaux sociaux où elle est suivie par plus de 30 000 personnes. “Je vois des femmes qui ont ouvert une boutique de mode et qui se lancent avec moins de crainte que moi j'avais à l'époque. C'est toujours rassurant d'avoir un modèle, de se dire que si elle y est arrivée alors qu'on a fait les mêmes conneries à l’école, pourquoi pas moi ?”

Pour écouter d’autres témoignages de femmes dans les quartiers Nord, retrouvez le podcast “Dans les yeux d’Olivier” sur les plateformes d’écoute.

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