Riss : "Appeler au meurtre s'est banalisé"

  • Copié
A.H. , modifié à
"Charlie Hebdo" croule à nouveau sous les menaces de mort, émanant de certains internautes qui voient dans la dernière une de l'hebdomadaire une insulte à l'islam.
INTERVIEW

Les menaces à l'encontre de Charlie Hebdo "n'ont jamais vraiment cessé". Mais depuis la parution du dernier numéro de l'hebdomadaire satirique, qui affiche en une l'islamologue Tariq Ramadan, récemment accusé de viols, et présenté le sexe déployé sous son pantalon, les appels au meurtre se sont multipliés sur les réseaux sociaux. "Parfois, il y a des pics où l'on reçoit sur les réseaux sociaux des menaces de mort explicites. Par principe, on prend les menaces au sérieux et on dépose plainte", indique Riss, directeur de publication de Charlie Hebdo, invité de Patrick Cohen dans Europe Matin lundi.

"On n'accepte pas d'être traités de cette manière". "C'est pour quand le prochain attentat chez Charlie Hebdo s'il vous plaît ???", "Charlie Hebdo sont un tas de déchets, et s'il faut d'autres tueries pour le rappeler, je dis que ça ne nous ferait pas que du mal", peut-on ainsi lire sur les réseaux sociaux à propos de la dernière une du journal. Pour Riss, "au-delà du sérieux de ces menaces de mort", c'est avant tout "le climat" général qui est inquiétant. "On n'accepte pas d'être traités de cette manière-là. Il y a une ligne rouge à ne pas franchir. On peut dire ce qu'on veut de Charlie Hebdo, ce n’est pas un problème. Mais menacer de mort quelqu'un, ce n'est ni autorisé dans la rue, ni dans un journal, nulle part", martèle-t-il.

"C'est quand même étonnant qu'après tout ce qui s'est passé en France depuis trois, quatre ans, on voit encore des réactions aussi violentes, des appels au meurtre. Ça s'est banalisé d'appeler au meurtre. C'est assez inquiétant", alerte Riss.

Entendu sur europe1 :
Nous, on va continuer. On est fidèles à notre ligne

"Le problème, c'est Monsieur Ramadan". Selon Riss, la multiplication de ces "bouffées de haine" ne s'explique pas uniquement par la légende de ce dessin de une, où Tariq Ramadan se revendique comme le "sixième pilier de l'islam". "Le problème, c'est Monsieur Ramadan. Il bénéficie d'une certaine sympathie ou complaisance, et c'est ça qui a déplu. Le sixième pilier de l'islam, c'est le djihad, et il y a uniquement les islamistes qui en tiennent compte. Les musulmans modérés se limitent aux cinq", note le dessinateur de Charlie Hebdo. Mais alors pourquoi avoir fait référence à l'islam quand l'affaire repose sur des accusations de viols et d'agressions sexuelles ? "On nous présente Tariq Ramadan comme un islamologue, comme un sachant. C'est comme cela qu'il se présente et c'est comme ça qu'on le dessine."

Près de trois ans après l'attentat qui a décimé la rédaction de l'hebdomadaire, Riss aimerait que "l'attachement à nos valeurs démocratiques soit toujours défendu avec autant de force et de véhémence qu'elles l'ont été en janvier 2015. Il ne faut pas que la combativité se relâche. Nous, on va continuer. On est fidèles à notre ligne", jure-t-il. 

Pour rappel, les menaces de mort en ligne peuvent être signalées sur la plateforme Pharos du ministère de l'Intérieur. La provocation au terrorisme sur Internet est passible de sept ans de prison et 100.000 euros d'amende.