Au tour de la justice de décortiquer les images d'une bagarre qui a enflammé les réseaux sociaux. Début août, Booba, Kaaris et neuf membres de leurs "clans" se battaient à mains nues à l'aéroport d'Orly, près de Paris, en pleine journée et devant les téléphones portables de voyageurs médusés. Plus d'un mois plus tard, les deux rappeurs et leurs proches ont rendez-vous au tribunal correctionnel de Créteil, jeudi. Détenus pendant trois semaines, ils ont été libérés à la fin du mois d'août et comparaissent libre, dans une atmosphère qui s'annonce tendue.
VIDEO - Pourra-t-on suivre le procès Booba vs. Kaaris sur Twitter ?
62.500 euros de préjudice. Coups de pieds, insultes, parfums qui volent… Le tribunal reviendra sur une bagarre de quelques secondes seulement, aussi brève qu'intense. Le 1er août, les deux rappeurs attendent le même avion pour se rendre à Barcelone, où chacun doit donner un concert. En salle d'embarquement, l'entrevue tourne rapidement au vinaigre : à sept contre quatre, le clan de "B2O" affronte celui de "K2A", devant une boutique duty-free transformée en réservoir à projectiles. Le magasin porte plainte, tout comme Aéroports de Paris et Air France.
Devant la justice, Booba, Kaaris et leurs compères risquent donc d'être condamnés à indemniser les victimes collatérales de leur accès de violence, dont le coût total est estimé à quelque 62.500 euros minimum. La rixe a conduit à la fermeture du hall 1 du terminal Ouest d'Orly pendant près de deux heures. Plusieurs objets et présentoirs du magasin ont été utilisés comme projectiles ou renversés dans la bataille. Enfin, Air France a dû retarder sept de ses vols, impactant un millier de passagers.
"Un dossier judiciaire très commun". Mais les deux rappeurs, poursuivis pour violences aggravées et vols en réunion, risquent surtout jusqu'à dix ans de prison pour les violences auxquelles ils se sont livrés. Une peine maximale qui a très peu de chances d'être atteinte, même si le caractère ultra-médiatique de la rixe pourrait peser dans les débats. "Même si les images peuvent, pour certains, avoir été spectaculaires, ce n'est qu'une bagarre aux conséquences judiciaires faibles", temporise auprès d'Europe 1 David-Olivier Kaminski, pour qui l'affaire se jugerait "devant un tribunal de police" - chargé des coups et blessures légers - si ses protagonistes n'étaient pas célèbres.
"Les réseaux sociaux sont un miroir grossissant d'un dossier judiciaire qui est très commun", estime encore l'avocat, soulignant qu'aucun des individus impliqués ne s'est vu prescrire plus de huit jours d'incapacité totale de travail (ITT).
Booba à l'origine de la rixe ? Au tribunal, la question de la responsabilité des deux "clans", qui s'accusent mutuellement d'avoir porté les premiers coups, s'annonce cruciale. Kaaris assure que son rival s'est approché avec ses amis et qu'il n'a fait que se défendre. Booba répond que son ancien protégé avait le regard "provocateur" et qu'il a d'abord tenté de le "contourner", avant de recevoir les premiers projectiles. Les images de vidéosurveillance, découpées seconde par seconde par les policiers aux frontières, confortent la thèse du premier : on y voit "B2O" arriver depuis la zone de contrôle, d'un pas décidé, lâcher son sac au sol et avancer vers "K2A", qui recule.
Mais le rapport des fonctionnaires est subjectif selon l'avocat de Booba Yann Le Bras, qui a préparé son propre album photo pour le procès, à partir des vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Le conseil souligne aussi que trois des blessés les plus touchés figurent parmi les proches du "Duc de Boulogne", suggérant que le "clan" de Kaaris ne s'est pas seulement défendu.
Depuis les faits, les deux camps, habitués à se "clasher" par réseaux sociaux interposés, jouent l'apaisement. Interdits de quitter la France et obligés de verser une caution de 30.000 euros chacun, Booba et Kaaris, tous deux pères de famille, affirment aspirer simplement à retrouver leur vie de famille. Le premier n'est sorti du silence qu'une fois mi-août, dans un tweet ironisant sur la peine qu'il encourt : "Quand je serai grand, je voudrais être Benalla ou moine pédophile. 10 ans pour une bagarre, c'est avec ou sans le streaming ?"