Nos sols sont à sec. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières, 74% des nappes phréatiques ont un niveau bas, voire très bas. Pas moins de 82 départements français font l’objet de mesures de restriction d’eau cette semaine, en raison de cette sécheresse. Une "situation exceptionnelle", selon le ministère de l’Ecologie, qui a présenté mercredi un plan pour prévenir le phénomène à l’avenir. Car s’il est difficile de prévoir quel sera l’état de nos sols dans les mois prochains, certains signaux n’en sont pas moins préoccupants. La France a-t-elle pris la mesure du problème ? Eléments de réponse.
Les nappes phréatiques sont à sec : quelles conséquences ?
La sècheresse des sols a des conséquences très concrètes. Dans 30 départements particulièrement touchés (la carte est à consulter par ici), les collectivités ont dû prendre des mesures drastiques : les habitants ont interdiction formelle de laver leur voiture, d’arroser leurs jardins ou de remplir leurs piscines, par exemple. Seuls les prélèvements d’eaux prioritaires (accès des foyers à l’eau potable, entretien des centrales nucléaires, nettoyage des rues…) sont autorisés. Et la situation pourrait encore s’empirer. "Il est déjà arrivé par le passé, en 1979 ou en 2006 par exemple, que de petits villages, qui n’ont pas de réseaux connectés avec les communes voisines, se retrouvent carrément privés d’eau potable. Si la sécheresse perdure l’automne et l'hiver prochain par exemple, ce type de situation risque de se réitérer, voire de s’étendre", s’inquiète Marillys Macé, directrice générale du Centre d’information sur l’eau, contactée par Europe 1.
Comment en est-on arrivé là ?
Les nappes phréatiques se rechargent entre l'automne et le printemps, dans une période qui s’étend à peu près du mois d’octobre au mois de mars. A cette époque, il y a moins de végétation et l’eau s’infiltre plus facilement dans les sols. "Or, cette année, on a eu un hiver extrêmement sec, avec un mois de décembre où l’on a connu 80% de déficit de précipitation. L’anticyclone est resté trop longtemps au-dessus de nous, on a eu un grand flux de vent sec, et il a moins plu", décrypte pour Europe 1 Nicolas Le Friant, ingénieur météorologue chez MeteoGroup.
" Même s’il pleut beaucoup au mois d’août, c’est mort "
Au déficit de pluie cet hiver s’ajoute différentes problématiques propres à chaque été, comme le tourisme et l’afflux de population dans les zones les plus chaudes, les besoins accrus des agriculteurs en période de chaleur ou encore la nécessité de refroidir les centrales nucléaires. "D’habitude, nos nappes phréatiques se vident fin août. Là, elles se sont vidées fin juin. Il faut remonter à 2011 pour avoir une année similaire et encore, nous n’étions pas aussi en avance", poursuit Nicolas Le Friant.
Faut-il craindre pour l’avenir ?
Les spécialistes sont unanimes : les nappes phréatiques ne se rechargent pas l’été, à cause de la végétation. "Désormais, pour que la situation s’améliore, il faut qu’il pleuve abondamment, et seulement à partir du mois de septembre-octobre. Même s’il pleut beaucoup au mois d’août, c’est mort. Cela fera peut-être un peu de bien aux plantes et à certains agriculteurs, mais cela ne rechargera pas les nappes phréatiques", résume Marillys Macé, du Centre d’information sur l’eau.
Certains experts, également, s’inquiètent de l’effet du réchauffement climatique, qui pourrait accroître le phénomène et faire qu’il se répète. Pour le météorologue Nicolas Le Friant, toutefois, il est encore trop tôt pour s’alarmer. "Les années se suivent et ne se ressemblent pas. L’an dernier, on a eu un hiver très pluvieux et un été très sec. Les autres années, ce fut tout à fait normal. Si la sècheresse hivernale se produit dix années de suite, on pourra tirer des conclusions. Pour l’instant, c’est difficile", analyse-t-il.
" Il n’existe malheureusement aucune solution à bas coût "
Mais si 2017 est une année exceptionnelle au niveau national, plusieurs départements (les plus chauds) connaissent bien des difficultés depuis plusieurs années consécutives, à l’instar des départements Aquitaine ou Midi Pyrénées par exemple. "En outre, dans ces régions, la démographie ne cesse d’augmenter et cela pourrait accroitre le phénomène", s’inquiète Marillys Macé, du Centre d’information sur l’eau. Et il y a encore d’autres indicateurs inquiétants, y compris à l’échelle nationale. "Avec la bétonisation, la construction de logements, la surface de sols perméables diminuent : entre 1990 et 2011, on a perdu l’équivalent de sept départements de sols capables de laisser passer l’eau dans les sols. Si on ne peut être sûr de rien, il y a différents indicateurs qui restent préoccupants", prévient Marillys Macé.
Quelles sont les solutions envisagées ?
Le ministre de l’Ecologie, Nicolas Hulot, a promis mercredi un plan d’ampleur pour adapter notre système de gestion de l’eau aux différents dangers qui le menacent. Parmi les principales actions envisagées : l’investissement dans des équipements permettant le traitement et le recyclage des eaux usées, la construction de réseaux de stockage des eaux en hiver ou encore l’accélération des travaux visant à réparer les fuites des canalisations.
Le hic : ces mesures coûtent chères, et aucun chiffre n’a été avancé sur leur financement. Sur la réparation des canalisations, par exemple, les experts estiment que 20% des réseaux existant contiennent des fuites, ce qui représenterait 12.000 kilomètres de tuyaux à réparer. Or, un kilomètre à réparer coûte en moyenne 100.000 euros en ville et 250.000 euros en zone rurale. Par ailleurs, selon l’Association des irrigants de France, la seule mise en place d’un système de stockage efficace des eaux en hiver risque de coûter plus d’1,5 milliard d’euros.
"Il n’existe malheureusement aucune solution à bas coût", tranche Marillys Macé. "C’est pourquoi les annonces de Nicolas Hulot vont dans le bon sens. Il semble avoir pris la mesure du problème. Mais maintenant, il faut de la volonté politique, du consensus. Et en France, ce n’est pas facile", poursuit la spécialiste. Elle cite pour preuve le peu d’entrain des élus locaux pour aller "mener bataille auprès de Bruxelles" afin d’obtenir des fonds du budget de l’Union européenne dédié à l’entretien des canalisations. Alors que l’Allemagne bénéficie de 47% des subventions de ce fond, la France n’en a que 4%. "Mais en France, on ne sait pas se battre pour ça", regrette Marillys Macé.