Six sociétés de portage salarial soupçonnées d'escroquerie

En se penchant sur ses fiches de paie, un consultant interrogé par Europe 1 a repéré plusieurs montants semblant gonflés (image d'illustration).
En se penchant sur ses fiches de paie, un consultant interrogé par Europe 1 a repéré plusieurs montants semblant gonflés (image d'illustration). © AFP
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Salomé Legrand
Une enquête sur ces sociétés, à qui des travailleurs indépendants confient la gestion de leurs démarches administratives, a été ouverte mi-décembre par le parquet de Paris. 

Y-a-t-il escroquerie dans le secteur du portage salarial ? Une enquête a été ouverte mi-décembre par le parquet de Paris pour escroquerie et pratiques commerciales trompeuses. Plusieurs milliers de salariés pourraient être concernés.

70.000 salariés "portés". Ces sociétés ont le vent en poupe, poussées notamment par la loi El Khomri. Elles permettent à des travailleurs indépendants de confier leur chiffre d’affaires à des sociétés tiers qui s’occupent de tout : leur gestion administrative, leurs droits sociaux (chômage, retraites, mutuelle..) et leur versent un salaire. D’après les syndicats du secteur, près de 70.000 travailleurs en France seraient ainsi des salariés "portés" pour 12,5 milliards de chiffres d’affaires gérés.

Mais d’après la plainte qu’Europe 1 a pu consulter, six sociétés de portage, dont plusieurs ont pignon sur rue, sont soupçonnées de gonfler leurs charges patronales, voire de répercuter des taxes fantaisistes.

1.800 euros d'"assurance". "Ils ont de l’imagination", s’étouffe Martial Arneodo, consultant informatique "porté", qui s’est penché sur ses fiches de paie. "J’avais notamment une ligne assurance RCPro  (responsabilité civile, NDLR) et juridique où on me prélevait entre 150 et 180 euros par mois. Aujourd’hui en tant qu’indépendant, je paie 500 euros par an, là où il m’en prélevaient 1.800", détaille le quadragénaire. Dans la convention de portage qu'il a signée, la société Portageao signale que cette assurance est incluse dans les frais de gestion.

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Le consultant multiplie les exemples : "Il y avait une ligne médecine du travail et contribution handicapé. Moi, c’était en moyenne 150 euros par mois, sachant qu’un abonnement à la médecine du travail pour un salarié c’est 90 euros par an... Une autre ligne ‘TVTS’, ça veut dire qu’on a payé pour la voiture de fonction du patron de la société de portage".

Une autre société lui a facturé le Comité d'Entreprise, "auquel on n’a pas le droit, c’est fabuleux" et des "participations aux moyens généraux", c’est-à-dire l’eau et l’électricité. "Ce sont des frais de gestion déguisés" s’insurge le salarié "porté" qui estime avoir été lésé de près 13.000 euros en un peu plus de 2 ans. Comme lui, une quinzaine de salariés qui se sentent "arnaqués" se sont joint à la plainte.

"Il y a un loup". A l’origine de cette plainte Sylvain Mounier, l’un des fondateurs d’une autre société de portage Axessio, dénonce des pratiques qui permettent à ses concurrents d’afficher des frais de gestion très bas. "Quand on affiche 2, 3, 5 % de frais de gestion alors qu’une société de portage salarial ne peut pas vivre en dessous de 8 à 10% c’est qu’il y a un loup", insiste-t-il.

Sur les six sociétés visées par l’enquête du parquet de Paris, trois ont répondu à Europe 1, et renvoient à la convention collective signée par tous les partenaires sociaux du secteur en 2017. Elles soulignent que le texte leur permettrait de répercuter "les frais professionnels éventuels liés à la réalisation de missions ou à la prospection de missions".  L’enquête a été confiée à la direction départementale de la protection des populations.