Son fils a disparu à la veille de ses 18 ans : "J'espère qu’il est vivant"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Quelques jours avant qu’il fête ses 18 ans, Stéphane a disparu. C’était le 11 février 1994. Malgré ces années d’absence, sa mère, ses grands-parents et ses cousins espèrent le revoir un jour, restant persuadés qu’il est vivant. Ils se confient à Olivier Delacroix au sujet de sa mystérieuse disparition.
TÉMOIGNAGE

Stéphane, le fils d’Estela, a disparu le 11 février 1994, à la veille de l’anniversaire de ses 18 ans. Ce jour-là, il a quitté leur domicile de Lagny-sur-Marne, comme à son habitude, mais il n’est jamais rentré. Aucune enquête n’a pu être menée, car quand Estela a signalé la disparition de son fils, il était devenu majeur. Estela et sa famille ont alors mené leurs recherches seuls. Ils confient à Olivier Delacroix être persuadés que Stéphane n’est pas mort, gardant l’espoir de le revoir un jour.

Estela se souvient du jour où son fils, Stéphane, a disparu : "Il s'est levé le matin normalement, puisqu'il devait se présenter à une formation. Nous habitions à Lagny-sur-Marne et la formation était à Meaux. Il a pris son petit-déjeuner, puis il est parti à 7h30 de la maison. Je ne l'ai plus jamais revu. Il est parti sans ses papiers. J'ai retrouvé sa carte d’identité à la maison. Tout est resté à la maison, comme s’il était parti pour revenir. 

La veille de sa disparition, il m'a demandé s’il pouvait fêter son anniversaire à la maison avec toute sa bande d'amis. Comme ses amis n'étaient pas très appréciés par mon mari, je lui avais dit non. Je lui ai dit que je préférais lui louer une salle, mais que ses amis ne viendraient pas à la maison. Ça s'est arrêté là. Le lendemain, il m'a embrassée comme d'habitude pour me dire bonjour. On a pris le petit-déjeuner ensemble et il est parti. 

Dès le lendemain matin, quand j'ai vu qu’il n’était pas rentré, je suis allée au commissariat pour dire que mon fils avait disparu. Ils m'ont dit qu’il fallait attendre trois jours. J’ai attendu les trois jours. Quand j'y suis retournée, c’était le jour de ses 18 ans. Ils m'ont dit que puisque qu'il était majeur, ils étaient tenus de me dire qu’ils l’avaient vu s’ils le contrôlaient, mais pas où. Donc, il n'y a pas eu d'enquête. On entendrait plus parler de Stéphane. Je l’ai ressenti comme ça. 

" Je l'ai cherché partout "

Il faisait des bêtises. Il ne payait pas le métro et le train. Il est entré dans un pavillon, c’est sa plus grosse bêtise. Il était de ceux qui n’aiment pas aller à l'école. Automatiquement, on traîne la rue et on finit par faire de la délinquance. À mon avis, il devait avoir des problèmes avec ses copains. J'ai appris par la suite qu'il fréquentait des gens pas du tout fréquentables dans le quartier d’Orly Parc à Lagny-sur-Marne. Je n’en connaissais qu’un, mais ce garçon m'a toujours dit : ‘Ne mettez pas votre nez là-dedans. Ce sont des gens beaucoup plus âgés qui ne sont pas fréquentables.’ 

C'est tout ce que j'ai pu savoir. Je l’ai signalé à la police qui a classé l’affaire en disparition inquiétante. Je l'ai cherché partout. Je suis allée dans les caves d’Orly Parc. Je suis allée voir toutes ses connaissances. Je sais qu’il allait souvent à la gare du Nord et à la Défense, c’est très grand. J’errais dans les rues et je regardais tous les jeunes. Toutes les hypothèses possibles passent par la tête. On passe du découragement à l’espoir qu’il rentre. 

Au début, je recevais des coups de fil, mais on ne me répondait pas. Je me suis demandé si c'était Stéphane qui ne pouvait pas parler. Donc, je parlais à cette personne à l'autre bout du fil. Je n’ai jamais pensé que Stéphane aurait pu mettre fin à ses jours. Il aimait trop la vie. J'espère qu’il est vivant, je veux l'espérer. Si je le voyais, je crois que je le mangerais de baiser. Je crois que je ne pourrais même pas lui parler. Je l’attacherais et je ne le quitterais plus jamais de la vie. Ça serait la plus grande joie.

" Je ne voudrais pas mourir sans le voir "

Les grands-parents de Stéphane restent très affectés par sa disparition. Son grand-père évoque leur relation : "J’ai un bon souvenir de lui. Pour lui, c’est son papy qui comptait. On était très copains tous les deux. Je ne peux pas l’oublier. La seule chose qui compte pour moi, c’est qu’on n’a pas perdu espoir. Je l’ai tout le temps devant moi. On est une famille très unie. Il doit penser à nous, parce qu’on était tout le temps ensemble, surtout lui et moi."

La grand-mère de Stéphane garde l'espoir de le revoir : "Je pense parfois au fait que s’il était vivant, j’aurais des arrière-petits-enfants de lui. Je pense à ça, mais je ne sais pas si je les verrai un jour. Je ne voudrais pas mourir sans le voir passer la porte. S’il nous entend, qu’il vienne. Je regarde sa photo tous les jours. Je lui parle tout le temps. Je suis obligée de lui parler. Je me dis qu’il a peut-être eu un accident et qu’il a perdu la mémoire."

" Quelque chose en moi me dit qu'il est vivant "

Alors que toute la famille vit désormais en Espagne, Valérie, la cousine de Stéphane, vit toujours en France et poursuit les recherches dans l’espoir de retrouver son cousin : "Est-ce qu'il a voulu fuir pour protéger la famille parce qu’il avait fait des petites bêtises ? Est-ce qu'il a été embarqué quelque part ? Est-ce qu'il est parti de lui-même un petit moment en se disant qu’il reviendrait, puis l'engrenage fait qu’il n'ose plus revenir ? J’écris à l'Armée du Salut, à la Légion étrangère, à la Croix-Rouge. J’écris à toutes les associations concernées par des disparitions ou qui s’occupent de SDF. 

J'ai virtuellement une grande armoire avec plein de tiroirs. Quand je reçois une réponse négative, je ferme un tiroir et j'en ouvre d'autres. Tant que je n’aurai pas tout fermer, je continuerai. C'est une manière de ne pas l’abandonner et de le maintenir en vie. Pour moi, il n'est pas mort. Il est vivant. Quelque chose en moi me dit qu'il est vivant, quelque part. Un des plus grands bonheurs que je pourrais avoir, serait que mes grands-parents revoient leur petit fils avant qu’ils partent. Quand quelqu'un est mort, on sait où il est, on l'enterre. Mais là, il n’y a rien. Quand on a le néant, on ne peut rien faire.

Après la disparition de Stéphane, Estela confie que son couple a volé en éclats : "Au moment de sa disparition, nous étions mariés. Je n’ai divorcé qu’en 1999. On s'est tous renfermés. La vie à la maison n'était pas gaie. Il y avait plus de tristesse que de gaieté à la maison. Mon mari me reprochait d’avoir été trop mère pour Stéphane, d’avoir gâché sa jeunesse et de l'avoir mal élevé. Moi, je lui reprochais de ne pas avoir rempli son rôle de père. Stéphane aurait eu besoin d'un père beaucoup plus sévère. Depuis, nous ne sommes pas en bons termes. 

Des années après la disparition de Stéphane, Estela envisage les raisons pour lesquelles il pourrait ne pas revenir : "Il a peut-être une autre vie complètement différente et il n’a plus besoin de moi parce qu'il est devenu un homme. Il a peut-être jugé que je l’ai mené jusqu'à 18 ans et qu’il fallait prendre son envol. Il est tout le temps avec moi. Je pense à lui, je lui parle. On se crée une vie imaginaire pour l'avoir près de nous. Je l'imagine dans une maison avec son travail, sa femme et les ennuis qu'il y a dans un couple. Ça me rend heureuse. Je respecterais qu’il reste dans le silence, un petit signe me suffirait."

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