Souffrant de phobie scolaire, Antoine est déscolarisé : "Il se construit et va mieux"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Depuis l’école maternelle, Antoine a développé une phobie scolaire qui engendrait chez lui des crises d’asthme et d’autres troubles psychosomatiques. Il y a deux ans, ses parents ont pris la décision de le déscolariser et de lui faire suivre l’école à la maison. Antoine confie à Olivier Delacroix aller mieux aujourd'hui.
TÉMOIGNAGE

Cela fait deux ans qu’Antoine ne va plus à l’école et suit des cours par correspondance. Depuis la maternelle, il souffrait de crises d’asthme et d’autres troubles psychosomatiques inexpliqués qui le conduisaient à l’hôpital. Soigné à la cortisone, Antoine a pris beaucoup de poids et était alors la cible de moqueries. Après qu’il a été frappé à l’école, ses parents, Sylvia et Francis, ont pris la décision de le déscolariser. Ses maux se sont alors envolés parce qu’ils étaient, en réalité, liés à une phobie scolaire. Antoine et ses parents racontent leur histoire à Olivier Delacroix.

Antoine explique que sa phobie scolaire n'a pas été tout de suite décelée : "Même le médecin de la famille ne s’était pas rendu compte que c’était une phobie scolaire. On pensait que j’étais asthmatique. Quand j'ai quitté l'école, on s'est rendu compte que c'était psychosomatique et dû à la phobie scolaire." Ses troubles conduisaient souvent Antoine à l’hôpital, se souvient son père : "Il avait des douleurs inexpliquées qu’on ne pouvait pas soigner. On l’emmenait chez le médecin faire des examens. Il ne pouvait plus respirer. Il nous demandait de l'emmener à l'hôpital. Quand votre fils de 8 ans vous demande de l’emmener à l'hôpital, c'est dur."

Sylvia, la mère d’Antoine, explique qu’il était notamment moqué à cause de son poids : "Le problème, c'est qu'à chaque crise, il était soigné avec de la cortisone. Donc, il a pris du poids. Plus il avait de crises, plus il prenait de cortisone et plus il a pris du poids. Il a eu beaucoup de problèmes à l'école parce que tout le monde le mettait de côté. C'était le gros de l'école. Il se sentait mal dans sa peau. Il se mettait à l'écart. Il lui arrivait de devenir violent à cause de toutes ces réflexions. On le malmenait, tout ça parce qu'il avait quelques kilos en trop."

" On met de côté les enfants différents "

À cette époque, Antoine était presque obèse. Il en souffrait sans rien dire, jusqu'au jour où il est rentré de l’école, le visage tuméfié. Sylvia a alors agi : "Le jour où il est rentré avec un bleu sur la joue, je suis allée voir l'institutrice pour lui demander ce qu’il s'était passé et surtout lui demander de faire quelque chose. Elle m'a répondu que ça se passait entre midi et deux quand elle n'était pas là et que ce n'était pas elle à gérer ça."

Francis, son père, poursuit : "On met de côté les enfants différents. Pour moi, l'école n'a pas essayé de comprendre pourquoi cet enfant n’était pas bien. À partir du moment où il n'est pas comme tout le monde, on ne s’en occupe pas. Ce qui aurait été bien, c'est que l'on nous convoque pour essayer de comprendre. Aujourd'hui, soit vous êtes comme tout le monde, soit vous ne faites pas partie de l'équipe. On a changé d'équipe. Son équipe, c’est nous. Nous avons pris la décision de nous occuper de lui."

" Je n’avais pas de copains. C'étaient plutôt des ennemis "

Les parents d’Antoine ont pris la décision de le retirer de l’école. Son père raconte que ses maux ont alors disparu : "Il n’avait plus de crises d'asthme, plus de maladies imaginaires, plus rien. On ne sait pas quand on est allés à l'hôpital pour la dernière fois, alors qu’on y allait deux fois par mois." Antoine suit alors des cours par correspondance sous la houlette de sa mère. Il confie que c’est un soulagement pour lui : "Je savais que je n’allais plus subir ce que je subissais à l'école, donc ça m'a soulagé. Je n’avais pas de copains. C'étaient plutôt des ennemis. Je préfère être là au calme, que dans une classe ou une cour de récréation, où tout le monde s’acharne sur moi."

Sylvia est convaincue qu’elle et son mari ont pris la bonne décision : "Je ne pouvais pas le déséquilibrer plus qu'il ne l'était. Dans mon esprit, la situation ne pouvait pas empirer. Il n'a plus jamais eu de crises d'asthme. Il a commencé un rééquilibrage alimentaire et a perdu du poids. Aujourd'hui, il se sent bien. Il peut s'habiller comme il veut. C'est peut-être un détail pour beaucoup, mais il ne portait que des survêtements. Quand il a enfilé son premier jean, c'était sa première récompense. Il a vu ses efforts payer." 

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Antoine pointe le regard des autres comme l’origine de sa phobie scolaire : "C'était surtout par rapport au regard des autres sur mon physique. Au bout d'un moment, je n’étais plus sûr de moi. Je ne savais pas quoi faire. J’étais désorienté. Vu que j'étais gros, je n'avais aucun ami. Ils étaient tous contre moi. Je n'étais pas à l'aise dans mon corps. Personne ne me protégeait. Je n’avais que mes parents quand je rentrais à la maison et encore, je n’osais pas leur dire comment se passaient mes journées. Je ne voulais pas qu'ils s'inquiètent pour moi. 

J’en parlais très rarement, parce que je suis réservé. Je n'ose pas dire les choses. Jusqu'au jour où, en CM2, juste avant que je quitte l'école, un élève a insulté ma mère, chose dont j'ai horreur. Ça a très mal fini. C'est parti en bagarre générale. Ils étaient quatre ou cinq contre moi. Je me suis défendu comme j'ai pu. Je suis rentré avec des bleus et un cocard. C'est là que maman a décidé que je ne retournerai pas à l'école.  

On ne sait pas comment ces crises d'asthme ont été déclenchées par la phobie scolaire. Je préfère laisser ça derrière moi, l'oublier, puis partir sur de nouvelles bases. Je suis un peu différent parce que je suis déscolarisé, mais il y a des milliers enfants déscolarisés en France. Donc, je me dis que je ne suis pas seul. Dans la vie de tous les jours, je me sens normal, comme les autres. Malgré tout, je ne suis pas maigre. Je suis assez costaud."

" Ça ne me dérangerait pas de retourner à l’école "

Antoine confie avoir trouvé une thérapie dans sa passion pour le karting : "Pour moi, le kart, ça a été comme un médicament, une thérapie. C’est ce qui m'a fait passer toutes mes maladies psychosomatiques liées à la phobie scolaire. Ça m'a appris à me battre. J’ai beaucoup de copains grâce au kart. Le karting rend féroce à force de se faire pousser. On prend de l'expérience et on devient féroce à notre tour. Ça ne me dérangerait pas de retourner à l’école. Si ça recommence, je ne me laisserai pas faire comme avant en restant dans mon coin sans rien faire. "

Les parents d’Antoine se réjouissent de voir leur fils ainsi métamorphosé : "Il a changé. De jour en jour, il s'améliore, se construit et va mieux" remarque Francis. Sylvia poursuit : "Pour lui, c'est une petite vengeance sur la vie. Il est bien dans sa tête et dans son corps. Ce n'est pas dans la même voie que les autres. Ce n'est pas comme tout le monde, mais sa vie est là et pas ailleurs. Elle n’est pas sur les bancs d'une école. Les enfants ne sont pas tous pareils. Certains ne sont pas faits pour aller à l'école, comme d'autres ne sont faits pour faire du football ou du tennis."