Stella raconte la longue agonie de son père : "Je voulais qu’il arrête de souffrir"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Le père de Stella, atteint de la maladie de Parkinson et de la maladie à corps de Lewy, a agonisé pendant de longues années. Elle raconte à Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne", cette fin de vie douloureuse et le refus des médecins de mettre son père sous sédation, malgré la loi "Claeys-Leonetti".
TÉMOIGNAGE

Stella a vu son père souffrir de longues années. Ce dernier était atteint de la maladie de Parkinson et de la maladie à corps de Lewy. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Stella raconte la fin de vie de son père qui a agonisé dans d'atroces souffrances. Elle explique à Olivier Delacroix qu’elle a demandé aux médecins de mettre son père sous sédation en application de la loi "Claeys-Leonetti" sur la fin de vie. Mais ils ont refusé.

"L’histoire de fin de vie de mon papa invite à plusieurs questionnements sur l’écoute des patients, le droit des patients, l’évaluation de la douleur, la connaissance de la loi "Claeys-Leonetti" et les conditions de fin de vie à domicile. Mon papa était atteint de la maladie de Parkinson atypique, c’est-à-dire qui résiste à tous les traitements. Il a été diagnostiqué quelques années plus tard de la maladie à corps de Lewy. Le patient termine ses jours prisonnier de son corps, il ne peut plus s’exprimer ni physiquement, ni verbalement.

" Il est devenu prisonnier de son corps "

Mon papa a commencé à être malade en 2000. Il avait 58 ans quand il a arrêté de travailler. En 2011, il y a eu un tournant. Il a connu de graves infections pulmonaires et fait une fausse route. Il s’est retrouvé entre la vie et la mort et a été hospitalisé pendant trois mois. Les médecins ont estimé qu’il ne vivrait que six mois. Ma maman avait promis à son mari qu’il finirait ses jours à domicile. Les six mois se sont transformés en six années, grâce aux soins que ma maman a apporté à son mari. Elle lui a consacré tout son temps et son énergie.

Quand il est sorti de l’hôpital, il était alimenté par sonde gastrique à cause des risques de fausse route. Sa maladie a évolué. On arrivait encore à le faire un peu marcher en le tenant. Petit à petit, il ne parlait plus trop. Les phases de présence devenaient de plus en plus rares. Plus les années passent, plus le patient passe à l’état de légume. Les muscles ne fonctionnent plus. En 2016 ça s’est vraiment aggravé, il est devenu prisonnier de son corps. Il avait la tête penchée sur le côté. Il n’avait pas beaucoup de moments de lucidité. On avait recours à une HAD (Hospitalisation à domicile) depuis 2014, parce que son état était trop lourd à gérer.

" On ne pouvait pas mesurer sa douleur "

En avril 2017, vu son état, l’équipe médicale a décidé de mettre en place un protocole de fin de vie. Cela consiste en l’arrêt des traitements en attendant le décès. Ils ont arrêté les traitements liés à la maladie en laissant les antalgiques. Quelques jours après, mon papa a fait une fausse route. Ils ont décidé d’arrêter l’alimentation entérale par sonde gastrique, ils avaient peur qu’il décède par étouffement à cause des fausses routes. Un mois plus tard, mon papa était toujours vivant. Il ne pouvait pas s’exprimer, on ne pouvait pas mesurer sa douleur.

J’étais persuadée qu’il souffrait. En juin 2016, on l’avait emmené chez la neurologue qui a vu que mon papa souffrait. Elle l’a directement mis sous morphine. L’équipe médicale ne s’était pas aperçue que mon papa avait besoin de morphine. Il avait la peau sur les os. On voyait les os de son visage. Au niveau du ventre, ça faisait comme une caverne. Il râlait, gémissait, s’agitait. Il faisait des pauses respiratoires de plus en plus fréquentes.

" J’ai demandé au médecin de mettre en place une sédation "

 

Je voulais être sûre que mon papa ne souffrait ni psychologiquement, ni physiquement. J’ai demandé au médecin s’il pouvait me confirmer à 100% que mon père ne souffrait pas. Il m’a répondu qu’on ne pouvait pas être sûr. Selon lui, mon papa ne souffrait pas. Comment peut-on laisser quelqu’un ne pas être alimenté pendant un mois, sans être sûr qu’il ne souffre pas ?

J’ai demandé au médecin si on pouvait mettre en place une sédation en application de la loi "Claeys-Leonetti" de 2016 ; si on pouvait augmenter les antalgiques, les anxiolytiques et la morphine pour qu’il ferme les yeux, ne se réveille pas et ne sente rien. Cela lui posait un problème éthique et médico-légal. Selon lui, augmenter les traitements risquait de provoquer la mort, et que ça n’était pas la loi "Claeys-Leonetti".

" Il avait peur d’être dans un cas d’euthanasie "

À partir de ce moment, nous sommes entrés, surtout moi, en conflit avec eux. Je leur en voulais énormément. Le médecin ne voulait pas venir si j’étais là. Je ne voulais pas le voir non plus. On a été obligés de garder l’HAD parce qu’on ne pouvait pas se passer des moyens médicaux comme le lit à matelas d’air. C’est moi qui ai abordé la question de la loi pour la sédation. Le médecin avait excessivement peur. Il m’a dit : ‘Je suis à un an de la retraite, je n’ai pas envie d’aller au tribunal’. J’ai compris plus tard qu’il avait peur d’être dans un cas d’euthanasie. Ce n’était pas un cas d’euthanasie, c’était une demande de sédation légale.

Mon père est resté vivant un mois de plus avant qu’une réunion collégiale ne soit organisée. Les infirmières ont dit à l’équipe HAD qu’il avait des escarres. L’HAD ne regardait pas sous les pansements. Mon papa avait un trou dans le menton, un trou dans la gorge, deux plaies avec des trous sur les omoplates et on voyait son sacrum. Une semaine avant la réunion collégiale, on nous a quand même dit que mon papa ne présentait pas de symptômes d’inconfort.

Pendant la réunion collégiale, ils ont vu l’ampleur des dégâts. Ils l’ont mis sous sédation le soir même. Trois jours après, il râlait toujours. Mon papa est décédé le mercredi suivant. Il a passé une semaine sous sédation. Les six mois qui ont suivi, j’ai cru que c’était normal de décéder comme ça. À force de recherches, je me suis rendu compte qu’on ne devait pas mourir de cette façon. J’ai donc alerté les pouvoirs publics et des associations.

J’ai discuté avec des médecins qui m’ont dit qu’il y avait un manque de formation. Les médecins sont formés pour soigner, mais pas forcément pour accompagner le décès. Il y ambiguïté dans loi "Claeys-Leonetti". Certains médecins ne savent pas quand déclencher la sédation. Je voulais qu’il arrête de souffrir et lui assurer une fin de vie digne, qu’il ne décède pas criblé de trous dans le corps. Il y a une loi qui le permet et le médecin ne l’a pas respectée."