Un rapport détonant de 800 pages pour réformer l'islam de France devrait prochainement atterrir sur le bureau d’Emmanuel Macron. Il pourrait bien pousser l’exécutif à préciser son agenda, alors même que le chef de l’Etat a promis devant le Congrès une réorganisation de l’islam de France à l’automne. Et ce d’autant plus que la radicalité des propositions formulées dans ce document, dont Europe 1 a pu avoir la primeur, ne devrait pas manquer d’agiter le débat. Ce rapport, dont la rédaction a été pilotée par Hakim El Karoui, un intellectuel spécialiste de l’histoire de l’islam auprès de l’Institut Montaigne, préconise notamment de mettre en place un organisme chargé de contrôler les flux financiers liés au culte islamique et de taxer le halal.
Ce dernier point est particulièrement susceptible de cristalliser les critiques, tant les réticences sont nombreuses. "Ça peut poser problème mais c’est possible", veut pourtant croire Bernard Godard, expert de l'islam de France au ministère de l'Intérieur de 1997 à 2014, et interrogé par Raphaëlle Duchemin et Pierre De Vilno sur Europe 1.
Une taxe qui ne peut être que consentie. Pour ce spécialiste, le principal blocage peut venir du fait qu’une taxe de ce type n’existe pas dans les pays de confession musulmane. Un pays laïque comme la France pourrait donc peiner à imposer une telle mesure. "La légitimité d’une taxe religieuse n’existe pas dans l’Islam", souligne-t-il. "Ça n’existe pas dans les pays musulmans mais ça peut se faire". Néanmoins, ce spécialiste ne pense pas que l’Etat puisse l’imposer à moins d’avoir obtenu au préalable l’assentiment des différents représentants de la communauté musulmane. "La taxe sur le halal ne peut pas être décidée par en haut. Ça ne peut pas être une taxe mais un prélèvement consenti par les différents partis. Il faut qu’un consensus se dessine", soutient-il.
"Mettre au net" les flux financiers. Dans son rapport, Hakim El Karoui suggère notamment que cette taxe soit pilotée par un nouvel organisme, également chargée d’organiser le financement du culte musulman : l’Association musulmane pour l’islam de France. Sur ce dernier point, Bernard Godard estime qu’une trop grande opacité demeure encore sur les mouvements d’argent liés à l’islam. "C’est vrai que dans les flux financiers qui rentrent pour l’administration de l’islam et le financement des mosquées, il y a un peu de tout", pointe-t-il. "Il y a beaucoup d’argent de France, et dans cet argent, il y a effectivement de l’argent au black, et de l’argent de sources diverses. Il faudrait mettre au net tout cela", conclut-il.