"Si l'islam n'aide pas la République (...), il sera de plus en plus dur pour la République de garantir ce libre exercice du culte". Cette phrase est l'une des plus fortes de la tribune publiée dans le Journal du dimanche par Manuel Valls, qui appelle à bâtir un "pacte avec l'islam". Le Premier ministre souhaite notamment repenser le rôle de la Fondation pour l'islam de France, pour rendre le financement du culte musulman plus transparent, et mettre fin à la formation des imams à l'étranger.
Mauvais "timing". À Lens, les membres de l'Union des musulmans citoyens du Pas-de-Calais, qui participaient dimanche à une messe en hommage au prêtre tué à Saint-Étienne-du-Rouvray, ont dénoncé un message ambigu. Pour eux, certains extraits du texte, comme celui où Manuel Valls évoque un "devoir de lucidité" des musulmans face au djihadisme, ne passent pas. "Ce sont des repris de justice, des alcooliques, des psychopathes, pas du tout des personnes qui sortent d'une mosquée", estime Brahim Aït Moussa, un membre du collectif. Il dénonce également le mauvais "timing" de cette tribune : "Il n'y a absolument aucun lien entre le financement et ce qui s'est passé (à Saint-Étienne-du-Rouvray, ndlr), surtout lorsqu'on le connaît le profil de ces assaillants, qui n'ont pas de lien direct avec les mosquées. Ce n'est pas le moment de faire de la récupération."
"Étudier toutes les propositions". Pour le président de l'Union des musulmans citoyens du Pas-de-Calais, les propositions formulées par Manuel Valls n'ont, en outre, rien de nouveau : "Ça fait des années qu'on le dit : il faut des imams qui parlent la langue française". Même son de cloche pour Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), interrogé par Europe 1 : "Les musulmans de France ont toujours pris leurs responsabilités depuis les attentats de janvier 2015. Un vrai travail de fond a été mené." Il évoque la mise en place d'un conseil religieux, visant notamment à "la déconstruction de l'argumentaire djihadiste qui circule sur les réseaux sociaux". "Nous sommes prêts à étudier toutes les propositions, voir comment améliorer les choses", martèle le responsable.
Éric Ciotti : "Je m'oppose frontalement à Manuel Valls"
La tribune de Manuel Valls a également été vivement critiquée à droite. Après Hervé Mariton, dimanche, Eric Ciotti a réagi aux propos du Premier ministre sur Europe 1. "Je m'oppose fermement à Manuel Valls sur cette question, qui vise à remettre en cause la loi de 1905", estime le député. "Cette loi, c'est un pilier de notre droit, une valeur essentielle, qui exprime la laïcité, la liberté religieuse, mais aussi le fait que l'État ne se mêle pas du financement des religions", poursuit-il. "À travers cette tribune, on sent bien que c'est cette question du financement qui se dessine. Je m'oppose à tout financement public ou étranger de lieux de culte et je crois que la réponse à la radicalisation religieuse ne se trouvera pas dans la religion".