Chez Christophe Hondelatte mardi, Saliha Ben Ali raconte l'histoire de son fils, parti en Syrie pendant l'été 2013 et mort là-bas. Un récit qu'elle narre également dans un livre Maman, entends-tu le vent ?.
L'arrêt des études comme déclencheur. Qu'est-ce qui pouvait laisser croire que la vie de Sabri se terminerait en Syrie ? Rien, sans doute. Saliha Ben Ali, son mari et ses fils, vivent en Belgique, où Saliha a vécu une enfance chaotique. Sabri est son deuxième fils, avec qui elle entretient des rapports fusionnels. Petit, Sabri est un enfant sans histoire. À sept ans, il commence à bégayer. Rien de bien grave, mais le trouble s'aggrave au fil des mois. "Quand on a décidé d’aller voir un spécialiste du bégaiement à neuf ans, Sabri a décrété que tout allait bien, il avait décidé d’assumer ce côté-là", se souvient Saliha Ben Ali au micro d'Europe 1.
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Pourtant, ce bégaiement cache un mal plus profond. Lorsque Sabri intègre l'école hôtelière, c'est pour être dans le service. "Il a tenté de braver ses difficultés pour rendre son père fier de lui", souligne sa mère. Mais la troisième année se passe mal, notamment à cause d'un professeur raciste, mais surtout à cause d'un atelier qui va mal se dérouler. Lors d'un exercice pratique, où l'école est transformée en restaurant, Sabri se met à bégayer au moment de dérouler le menu au client. La table éclate de rire. Une humiliation pour Sabri, qui ne remettra plus les pieds dans l'école. "Cela a été le déclencheur, car il a arrêté l’école à ce moment-là, alors qu’il était en dernière année", indique la mère de Sabri.
Radicalisation expresse. Sabri devient alors éboueur, mais seulement pour quelques mois, puis la radicalisation va vite, très vite. Son discours se durcit de jour en jour. Aux yeux de Sabri, le basket devient "harām" (ce qui est interdit par l'islam, ndlr), même chose pour la musique, "de la pornographie sonore" pour lui. Le jeune homme de 18 ans reste enfermé des jours entiers dans sa chambre, devant son ordinateur. La maman ne reconnaît plus son fils. Et puis, un matin d'août 2013, Saliha Ben Ali se lève et entre dans la chambre de son fils. Elle est vide. Il est parti. Quelques jours plus tard, il lui confirme lui-même la nouvelle par Facebook. "Je suis parti aider le peuple syrien", écrit Sabri à l'autre bout du monde. "Entre le moment où il a commencé à s’intéresser à la religion et le moment où il est parti, il s'est passé deux mois et demi, dont trois semaines en vacances", raconte la mère du jeune homme.
"Un mandat d'arrêt international existe toujours". Il y aura d'autres appels, d'autres messages, qui se feront de plus en plus rares. De son côté, Saliha Ben Ali est à bout depuis le départ de Sabri. Elle est même hospitalisée pendant trois semaines. Puis un matin, c'est un autre appel qui vient briser son quotidien. Un appel de Syrie. On lui annonce que son fils est mort à la guerre. "Je ne sais pas ce qu'il est devenu là-bas. Mais par la suite, on sait que les jeunes ont transité par pas mal de groupe de rebelles sur place", confie-t-elle. Aux yeux de la Belgique, Sabri est seulement "présumé mort". "Un mandat d'arrêt international existe toujours", indique Saliha Ben Ali. Depuis, Sabri a même été condamné à cinq ans de prison, par contumace, par la justice belge.