Les forces de l'ordre ont lancé vendredi au petit matin une vaste opération pour lever le blocage du site de l'université de Tolbiac à Paris, bloqué depuis le 26 mars par des étudiants opposés aux nouvelles modalités d'accès à la fac.
Les CRS accueillis par des jets de bouteilles. Entre 100 et 200 CRS ont pénétré sur le site à 5 heures du matin, essuyant notamment des jets de bouteilles de verre et autres projectiles dans une ambiance très tendue. Quelques minutes avant le début de l'intervention, les occupants des lieux avaient sonné l'alarme, semant la confusion. Certains se sont retranchés à l'intérieur tandis que d'autres tentaient de s'enfuir en escaladant la grille tout en lançant des projectiles sur les forces de l'ordre. La rue longeant le site, dans le 13ème arrondissement, au sud-est de Paris, a été ensuite bouclée par la police.
Le site évacué après une heure d'opération. Après une heure d'intervention, dont quelques minutes très agitées, le site a été complètement évacué. Aucun blessé n'est à constater mais une interpellation a tout de même eu lieu.
"L'opération a été maîtrisée et s'est passée dans le calme, sans dérapage, sans incident", a commenté pour sa part le préfet de police Michel Delpuech, interrogé par Europe 1. "Au total, une centaine d'occupants ont été évacués, dans l'immense majorité des étudiants. Certains sont partis d'eux-mêmes dès l'arrivée des forces de l'ordre, d'autres ont fait l'objet d'un contrôle d'identité. Il y a eu une interpellation pour des faits d'outrage et de rébellion", a-t-il poursuivi.
"Plusieurs centaines de milliers d'euros de dégâts". Sur place, les forces de l'ordre ont pu constater l'étendu des dégradations et ont même trouvé des objets incendiaires. Selon le président de l'université Georges Haddad, il y en a pour "plusieurs centaines de milliers d'euros de dégâts". "Tout est à refaire", a-t-il déploré lors d'un point presse. Le centre Pierre-Mendès-France, l'un des principaux sites, sera "fermé jusqu'à nouvel ordre".
"Les forces de l'ordre ont mis fin à l'occupation du site 'Tolbiac', sous l'autorité du Préfet de Police. Partout, l'État de droit sera rétabli", s'est pour sa part félicité le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sur Twitter.
Conformément à ce que j’avais annoncé devant l’Assemblée nationale ce mercredi, et à la demande du Président de l’Université Paris 1, les forces de l’ordre ont mis fin à l’occupation du site « Tolbiac », sous l’autorité du Préfet de Police.
— Gérard Collomb (@gerardcollomb) 20 avril 2018
Partout l’État de droit sera rétabli.
Une opération réclamée de longue date. La faculté de Tolbiac était devenue l'un des points forts de la contestation étudiante. Son président, Georges Haddad, avait réclamé dès le 9 avril son évacuation par les forces de l'ordre, évoquant de nombreuses dérives de la part de certains étudiants depuis le début des blocages. "La violence, la drogue, le sexe même. On me l'a dit, et je crois que c'est vrai, il se passe des choses qui sont indignes", alertait-il il y a trois jours.
Le syndicat UNI, classé à droite, avait même déposé plusieurs recours en justice pour contraindre les forces de l'ordre à intervenir à Tolbiac. Jeudi, le tribunal administratif avait rejeté sa requête en jugeant qu'il appartenait au préfet de police de décider s'il y avait lieu de faire intervenir les forces de l'ordre.
Pourquoi avoir mis autant de temps à intervenir ? "Il faut toujours apprécier le moment, l'instant et les modalités", répond le préfet Michel Delpuech sur Europe 1. "Moins on communique, plus on est efficace. C'est une opération qui se prépare. Il faut connaître le site, ce qui s'y passe", martèle-t-il. Et d'insister : "On n'improvise pas. Il faut la penser (l'intervention), la concevoir, et la mettre en oeuvre avec célérité comme on l'a fait aujourd'hui." La configuration du site - comprenant trois tours, de neuf, seize, et vingt-deux étages construites autour d'un noyau en béton armé - rendait l'intervention particulièrement complexe.
Encore une dizaine de sites perturbés. Depuis plusieurs semaines, quatre universités sont totalement bloquées et une dizaine de sites (sur 400) perturbés pour protester contre la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE), accusée par ses détracteurs d'instaurer un système de "sélection" déguisée.
Le 9 avril, des CRS étaient également intervenus à la faculté de Nanterre, autre point chaud de la mobilisation, pour lever le blocage d'un bâtiment occupé. À Montpellier, le tribunal administratif a ordonné mercredi aux occupants de l'université Paul-Valéry, bloquée depuis mi-février, de "libérer les lieux sans délai" mais les forces de l'ordre ne sont pas encore intervenues.