Vichy et les déportés juifs : le décryptage de l'historien Laurent Joly

Photo prise dans le camp de Drancy en 1942
Photo prise dans le camp de Drancy en 1942 © AFP
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Nathan Laporte , modifié à
ENTRETIEN - "Au Cœur de l’Histoire" vous plonge dans l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire française. En compagnie de Laurent Joly, historien et directeur de recherche au CNRS, Virginie Girod revient sur la collaboration du régime du Vichy avec l’Allemagne nazie et sur sa responsabilité dans la déportation des juifs en France.
PODCAST

Au lendemain de la défaite de 1940, le régime dictatorial de Vichy supprime les institutions républicaines, jugées responsables de la déroute. "Vichy veut redresser le pays à travers la ‘Révolution Nationale’. Le deuxième pilier du régime, c’est la collaboration : on considère que l’Allemagne nazie va gagner la guerre et qu’il faut s’adapter à ce nouvel ordre européen", rappelle Laurent Joly dans une interview accordée à Virginie Girod dans le podcast "Au Coeur de l'Histoire".

 

Aux côtés du maréchal Pétain, le régime rassemble des "opportunistes". René Bousquet, secrétaire général à la police, est un proche du parti radical. Quant à Pierre Laval, un temps chef du gouvernement, il vient du socialisme avant de dériver vers le centre-droit. "Ils sont unis dans leur conviction qu’il faut toujours être en mesure d’occuper le pouvoir", poursuit l’historien. "Vichy, c’est vraiment l’union des droites, il y a de tout. Ça va des néosocialistes jusqu’aux royalistes".

74.150 juifs déportés sous l’Occupation

D’après les travaux de Serge Klarsfeld, 74.150 juifs sont déportés depuis la France, dont près de la moitié entre juillet et novembre 1942. "C’est un moment très particulier de la collaboration policière, le moment Bousquet. Il naît de la volonté de Vichy de se débarrasser d’un maximum de juifs étrangers et de leurs enfants, des enfants qui le plus souvent étaient français", explique Laurent Joly, auteur de "La Rafle du Vel d'Hiv : Paris, juillet 1942" (éditions Grasset).

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Ce livre revient sur l’épisode le plus dramatique de ces déportations. En deux jours, des policiers et gendarmes français arrêtent plus de 13.000 personnes. Parmi elles, “4.000 enfants, les trois quarts étaient français à titre définitif”.

“On entend encore aujourd’hui que Vichy a sauvé des juifs français, c’est un mensonge”

Une Haute cour de justice est créée en novembre 1944 pour juger les membres des gouvernements sous Vichy. Pierre Laval est exécuté. Philippe Pétain, également condamné à mort, voit sa peine commuée en prison à perpétuité. René Bousquet, quant à lui, est acquitté : "le plus grand scandale de l’épuration", selon Laurent Joly. L’ancien secrétaire général à la police est finalement rattrapé par une plainte pour crime contre l’humanité en 1991. Il meurt assassiné deux ans plus tard, avant que la justice ait pu se prononcer.

"On entend encore aujourd’hui que Vichy a fait de son mieux, a dû sacrifier les juifs étrangers pour sauver les juifs français. Cet argument-là, qui est un mensonge, naît directement des procès de la Haute cour", martèle Laurent Joly “Ce sont des arguments de défense. Historiquement, ça ne repose sur rien”.

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