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Thibauld Mathieu
Dans un rapport publié lundi, l’Observatoire international des prisons (OIP) dénonce les violences de certains surveillants sur les détenus. Sa directrice, Cécile Marcel, évoque ce "véritable tabou" au micro d'Europe 1.
INTERVIEW

"Omerta, opacité, impunité". L'Observatoire international des prisons (OIP) publie lundi un rapport sur les violences commises sur les détenus par certains personnels pénitentiaires. "Nous avons voulu lever le voile sur (…) ce véritable tabou", explique sur Europe 1 sa directrice Cécile Marcel, qui l'assure : "On ne jette pas l'opprobre sur l'ensemble d'une profession".

"On ne met pas les violences dos à dos"

"Il ne s'agit évidemment pas de nier que les personnels pénitentiaires subissent également des violences, on ne met pas les violences dos à dos mais il s'agit de pointer cette réalité qui est méconnue et qui n'est absolument jamais discutée dans l'espace public", précise-t-elle au micro de Mathieu Belliard.

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Les causes de ce silence sont multiples, selon elle. "Le sort des personnes détenues n'intéresse pas grand-monde. On les voit avant tout comme des délinquants et on a du mal à les imaginer comme des victimes", souligne Cécile Marcel. "On se dit aussi que s'il y a un recours à la force à leur encontre, c'est probablement qu'il est légitime et proportionné. Et puis il y a une espèce de huis clos qui fait que personne n'a vraiment intérêt à dénoncer ces violences".

Car les détenus qui oseraient déposer plainte "s'exposent à des représailles" : "Ça peut être ne plus lui ouvrir les portes pour aller à la douche, ne plus lui délivrer son courrier, ça peut être aussi des conséquences sur l'aménagement de sa peine ou un transfert vers un autre établissement pénitentiaire", détaille-t-elle.

Un rapport critiqué par certains surveillants

De son côté, l'Ufap-Unsa Justice a visiblement très peu goûté ce rapport qualifié de "torchon (…) abject". Ce syndicat de surveillants pénitentiaires pointe "une volonté de mettre à mal l'institution carcérale", rappelant que ces violences ne sont rien comparées aux violences entre détenus. "Malheureusement, ils desservent leur profession avec leur réaction", se désole Cécile Marcel, dont l'enquête s'appuie sur une centaine d'entretiens, la plupart sous couvert d'anonymat avec des détenus, avocats, magistrats mais aussi surveillants et directeurs de prison.

"Aucune des personnes avec lesquelles on s'est entretenues ne nie ces violences, la plupart les dénoncent", avance la directrice de l'OIP, qui reconnaît toutefois des agissements "marginaux". Mais "nier cette question n'aide pas à faire avancer le problème".

Le ministère de la Justice, lui, a assuré que la couverture vidéo dans les prisons allait être "renforcée, notamment sur les interventions sensibles". Un plan de rénovation lancé en 2016 doit aussi permettre "d'augmenter les durées de conservation" des vidéos.