C’est peut-être l'action la plus symptomatique du mal qui touche l’équipe de France féminine ces dernières années. Coupe du monde 2015, quarts de finale France-Allemagne, 116e minute : les Bleues ont l’occasion d’atteindre les demi-finales mais Gaëtane Thiney, pourtant 127 sélections au compteur, rate l’immanquable à deux mètres du but. La sanction est immédiate, dans la foulée, les Bleues sont éliminées aux tirs-au-but.
>> L’incroyable loupé de Thiney (à 2’30)
Des buteuses performantes, mais… Et pourtant, des buteuses, les Bleues en possèdent avec Marie-Laure Délie (101 sélections, 63 buts), Eugénie Le Sommer (120 sélections, 52 buts) ou encore Louisa Nécib (139 sélections, 34 buts). La France ne connaît d’ailleurs aucune difficulté à trouver le chemin des filets lors des éliminatoires de l’Euro (16 buts inscrits), mais c’est le manque d’efficacité dans les grandes compétitions, malgré un ratio but/match honorable qui est, pour l’heure, un frein à leur progression.
"Cela fait des années que ça dure", rappelle la milieu de terrain Camille Abily au micro Europe 1. Déjà, lors des Jeux de Londres en 2012 (la France avait terminé à la quatrième place, ndlr), cela nous avait joué des tours. On devait repartir avec une médaille, mais on n’avait pas été efficaces."
Et cette impuissance dans la zone de vérité s’est également confirmée à la She Believes Cup, tournoi international amical qui opposait les Bleues aux Etats-Unis, à l’Allemagne et aux Anglaises. Avec un bilan de deux défaites (face aux Américaines et aux Allemandes) et un match nul (contre les Anglaises), pour… zéro but inscrit. Et face à la modeste équipe de Roumanie, en éliminatoires de l’Euro 2017, les Bleues n’ont dû leur salut - une victoire 1-0 -, qu’à un but d'Elise Bussaglia… sur pénalty.
Pas "assez tueuses" devant le but. "Un but est un but, que ce soit contre la Roumanie, l’Ukraine ou l’Allemagne", aime à rappeler le sélectionneur national Philippe Bergeroo, en poste depuis l’été 2013. Il concède toutefois les difficultés de ses joueuses à scorer : "Le plus grand chantier, c’est la finition. Quand on est attaquante, il faut avoir un regard de tueuse. Et nous, on a du mal à tuer le match. »
Le championnat de France fait défaut. Sans se chercher d’excuses, les Bleues pointent toutefois du doigt le niveau d’un championnat de France de Première Division à deux vitesses, où les matches de haut niveau se comptent sur les doigts d’une main. "Sans être péjoratives par rapport aux autres (équipes du championnat, ndlr), des matches d’un niveau important, on doit en avoir quatre à cinq dans l’année", déplore Camille Abily. "Les autres rencontres, on va avoir 10 occasions, on va marquer deux buts et on va s’en satisfaire. En équipe de France, on n’a jamais 10 occasions dans un match, on va en avoir trois ou quatre, et on sait qu’il va falloir mettre au minimum la moitié [pour gagner, ndlr]."
La solution ? "Se réfugier dans le travail." Et quand bien même les attaquantes marquent des buts, le vivier est léger. "La dernière fois que j’ai vu jouer Lyon, elles l’avaient emporté avec six buts d’écart, et les Françaises n’avaient inscrit qu’un but", se souvient Philippe Bergeroo. "Des joueuses de haut niveau [en attaque, ndlr], je n’en ai pas 25 ou 30, mais j’en ai tout de même quelques-unes…"
Et le classement des meilleures buteuses du championnat de Division 1 l’atteste : le podium est occupé par des joueuses étrangères. Seule lueur d’espoir, Marie-Charlotte Léger, quatrième du classement avec 11 réalisations et que Philippe Bergeroo a appelé à quatre reprises. Pour le sélectionneur national, "on n’y arrivera que par le travail. Il faut répéter les gestes, [pour] qu’il y ait des automatismes". Et espérer qu’une nouvelle génération d’attaquantes émergera d’ici 2019, année du Mondial féminin organisée par… la France.