Paris contre Monaco. La capitale contre une Principauté. C'est le duel au sommet, rareté dans les grands championnats européens, que la Ligue 1 propose, dimanche soir, au bien nommé Parc des Princes. Mais pourquoi donc Monaco joue-t-il dans le championnat de France alors que d'autres principautés européennes, comme Andorre ou le Liechtenstein, disposent d'une équipe nationale ?
Tout simplement parce que l'AS Monaco est un club. Il se trouve qu'il s'appelle AS Monaco (et porte donc le nom de la Principauté) mais qu’il pourrait tout aussi bien s'appeler Albert FC. Il n'a aucun rapport avec une quelconque fédération. Andorre ou le Liechtenstein sont inscrits à l'UEFA et à la Fifa et peuvent donc participer à l'Euro ou à la Coupe du monde (ou plutôt à ses éliminatoires...).
Pour être affilié à ces deux instances, il faut répondre à différents critères sportifs : Andorre organise ainsi son propre championnat, le Liechtenstein sa Coupe nationale (qualificative pour une Coupe d'Europe). De la même façon, le pays de Galles, qui organise aussi son propre championnat, est inscrit à l'UEFA et dispose d'une équipe nationale. Il n'y a pas de compétition de clubs à Monaco, qui ne compte qu'une équipe de premier plan. Et s'il existe bel et bien une équipe nationale de Monaco (issue de la Monaco Football association), elle n'est reconnue par aucune instance internationale et doit se contenter de rencontres amicales contre d'autres sélections non affiliées, comme... le Vatican, par exemple. En revanche, Monaco est inscrit au Comité international olympique et participe donc aux Jeux sous sa bannière.
Comme Swansea en Angleterre
Le club d'une principauté (ou d'une autorité politique indépendante) dans un championnat national, ce n'est d'ailleurs pas une exclusivité française. Le FC Vaduz (Liechtenstein) participe au championnat de deuxième division suisse. Le club nord-irlandais de Derry City, que le PSG a affronté en Coupe d'Europe en 2006, participe au championnat irlandais et Swansea, vainqueur de la League Cup la saison dernière, est une valeur montante de la Premier League anglaise. L'AS Monaco, créée en 1924 et affiliée d'emblée à la Fédération française de football, est passée professionnelle en 1934 et a fait ses débuts dans l'élite lors de la saison 1953-54. La remise en cause du bien-fondé de la présence de Monaco dans le championnat de France n’a alors pas tardé.
Comme le raconte le journaliste de L'Equipe Didier Braun, un sénateur des Alpes-Maritimes, Léon Teisseire, s'interroge dès février 1958 sur la pertinence de remettre le titre de champion de France à l'ASM, qui commence à jouer les premiers rôles en championnat. Mais, rapidement, ce n'est plus l'appartenance ou non de Monaco à la France qui pose problème, mais bien son régime fiscal avantageux. En 1963, le gouvernement français et la Principauté passent en effet un accord qui permet aux résidents monégasques de bénéficier d'exonérations. Dès lors, dès que l'ASM brille sur le terrain, le débat revient sur le tapis. Ce fut le cas en 2003-04, lorsque Giuly et ses coéquipiers atteignirent la finale de la Ligue des champions ou encore à l'aune de cette nouvelle saison, lorsque le nouveau président russe Dmitry Rybolovlev a animé le marché des transferts, à grands coups d'achats spectaculaires (Radamel Falcao, James Rodriguez ou Joao Moutinho).
Devant le Conseil d'Etat
Ce que certains présidents de club français reprochent à l'ASM, c'est de mettre à mal l'équité de la compétition. Ils pointent notamment du doigt l'exonération d'impôts sur le revenu pour les joueurs étrangers. En mars dernier, la Ligue de football professionnel (LFP), qui organise le championnat de France, a voté une modification de son règlement qui vise à obliger tous les clubs professionnels à avoir leur siège social en France à compter de la saison 2014-15. Et donc à être soumis aux mêmes obligations fiscales. Bien évidemment opposée à cette décision, la direction de l'ASM n'a pas tardé à entamer une bataille juridique. Les deux parties, LFP et ASM, sont actuellement dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat. Si jamais l'institution devait valider la décision de la LFP, l'ASM (ici son président Rybolovlev, photo) aurait perdu une première bataille. Mais ni la Ligue ni l'ASM n'ont intérêt à s'affronter.
Car si elle est forcément regardée de biais par les clubs aux ambitions réelles mais aux moyens limités (OM, Bordeaux, Saint-Etienne,...), l'ASM est aussi une aubaine pour la Ligue 1 : elle fournit un adversaire réel au PSG, elle remplit les stades, elle est à même de rapporter des points UEFA (dès la saison prochaine, sans doute) et elle est une vitrine supplémentaire, après le PSG, pour vendre le championnat dans le monde entier. Entre gens intelligents, on devrait donc trouver un terrain d'entente. Et l'AS Monaco continuera d'évoluer en Ligue 1...