Coronavirus : le football européen entre fatalisme, espoir et recours judiciaires

En Ecosse ou aux Pays-Bas, l'arrêt des championnats de football ne se fait pas sans douleur.
En Ecosse ou aux Pays-Bas, l'arrêt des championnats de football ne se fait pas sans douleur. © JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
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Europe 1 avec AFP , modifié à
Il n'y a pas qu'en France que la fin de saison anticipée crée des remous. Dans d'autres championnats d'Europe, les décisions ne font pas l'unanimité et certains clubs préviennent qu'ils feront des recours, comme aux Pays-Bas, en Belgique ou en Ecosse. 
DÉCRYPTAGE

La France a officiellement mis fin à la saison 2019-2020 de football jeudi, actant le 9e titre du PSG, les qualifications européennes et les promotions-relégations, non sans polémiques et contestations. Une situation loin d'être inédite en Europe, puisque plusieurs pays, comme les Pays-Bas, la Belgique ou l'Ecosse, ont acté la fin de la saison, engendrant la menace d'une pluie de contentieux. D'autres, comme l'Italie, l'Espagne ou l'Angleterre, conservent eux toujours l'espoir de terminer leur saison. Tour d'horizon des différents pays. 

Aux Pays-Bas, "le plus gros scandale de l'histoire"

La Fédération néerlandaise (KNVB) a été la première a formellement mettre fin à son championnat, décidant qu'il n'y aurait ni champion, ni relégation, ni promotion. L'Ajax et l'AZ Alkmaar, leaders séparés seulement à la différence de buts, ont accepté de ne pas être départagés sur tapis vert. Mais derrière eux, ça gronde, à commencer par le FC Utrecht qui a vu s'envoler le ticket européen qu'il pouvait décrocher via le championnat ou avec la finale de Coupe des Pays-Bas. 

À l'échelon inférieur, la décision a aussi fait des vagues. Les clubs de D2 Cambuur Leuwaarden et De Graafschap, pratiquement assurés de la montée en Eredivisie, restent à quai mais ne désarment pas. Cambuur a décidé de porter l'affaire en justice, critiquant "le manque de transparence de la KNVB" et une décision "contraire à l'éthique sportive", qui va priver le club "de revenus estimés à 1,5 millions d'euros" en cas de montée. L'absence de promotions est "le plus gros scandale de l'histoire du football néerlandais", a tonné l'entraîneur du club, Henk de Jong. De Graafschap a pris la même décision et le même avocat réputé, Dolf Segaar, qui a déjà remporté plusieurs procès face à la Fédération.

En Belgique, décision actée le 4 mai

En Belgique, la décision de stopper la compétition doit encore être actée définitivement le 4 mai, mais des points de friction sont déjà identifiés, comme la tenue de la finale de la Coupe que Antwerp veut absolument disputer face au FC Bruges. Une victoire qualifierait directement le club anversois pour la phase des poules en Ligue Europa.

Enorme imbroglio en Ecosse

En Ecosse, la Ligue (SPFL) pensait avoir tout bien fait en soumettant au vote des 42 clubs un projet prévoyant l'arrêt immédiat des trois divisions inférieures et lui donnant le pouvoir d'arrêter ultérieurement la Premiership si toute reprise s'avérait finalement impossible. La décision devait recevoir l'aval de 75% des clubs de chacune des divisions pour être adoptée.

Mais un incroyable concours de circonstances a plongé le football écossais dans un imbroglio durable. Un vote négatif de Dundee FC n'aurait jamais été reçu par la SPFL parce qu'il serait arrivé dans les mails indésirables, avant un vote finalement positif du club qui a changé d'avis, cinq jours plus tard. 

Un premier audit, mené par le cabinet Deloitte, a conclu à la sincérité du vote qui a donné plus de 80% de soutien à la motion au total. Mais les Rangers, qui pouvaient encore théoriquement contester le 9e titre consécutif du Celtic Glasgow malgré treize points de retard, ainsi que Hearts of Midlothian et Stranraer, que ce vote condamnent à la relégation en D2 et en D4 respectivement, réclament une nouvelle enquête indépendante. Ils accusent la SPFL d'avoir exercé des pressions sur certains clubs. Les Rangers ont promis de fournir des preuves "accablantes" du "harcèlement" effectué par la SPFL avant un assemblée générale qui s'annonce explosive le 12 mai.

L'Italie continue d'espérer une reprise

Le président de la FIGC Gabriele Gravina a affirmé qu'il ne "signerait jamais pour la fin des championnats", qui serait selon lui "la mort du football italien". Officiellement, le monde du football est vent debout contre une telle hypothèse. La Ligue est parvenue à afficher l'union sacrée de ses vingt clubs de Serie A, surmontant les réticences du Torino et de Brescia, lanterne rouge du championnat mais aussi ville-martyre du coronavirus.

Mais dans le même temps, le gouvernement italien a douché les espoirs de reprise rapide, interdisant les entraînements avant au mieux le 18 mai. Avec douze journées restant à disputer et l'UEFA qui recommande la date-limite de début août, "le sentier est de plus en plus étroit", a déclaré cette semaine le ministre des Sports Vincenzo Spadafora.

Selon le site spécialisé "Calcio e Finanza", un arrêt définitif remettrait directement en cause 400 millions d'euros de droits TV, dont une ultime tranche de 340 millions pour la saison en cours, qui devait être payée en mai. Un manque à gagner considérable pour le football italien, mais aussi pour les finances publiques puisque le foot professionnel verse trois milliards de contributions fiscales. 

Si cette décision était prise, comment solder la saison ? Une "finale" entre les deux leaders, la Juventus et la Lazio Rome, a été évoquée. Mais selon le Corriere Dello Sport, l'hypothèse privilégiée serait une saison sans titre. Le classement établi le 9 mars, après le dernier match disputé, offrirait la qualification en Ligue des Champions à la Juve, la Lazio, l'Inter et l'Atalanta Bergame. Brescia et la SPAL, l'équipe de Ferrare, seraient reléguées. 

Vendredi, la Ligue devait organiser une nouvelle rencontre avant une réunion de la fédération (FIGC) qui pourrait être décisive le 8 mai... et potentiellement explosive. "Difficile d'éviter le danger des recours" notamment par des clubs de Serie B en lice pour l'accession, "mais Gravina a bien l'intention de poursuivre sur cette voie", écrit le Corriere.

L'Angleterre vise un "restart" le 8 juin

En Angleterre, le gouvernement se montre prudent mais bienveillant devant le projet "Restart" (redémarrage) élaboré par la Premier League, qui prévoit selon la presse un retour à l'entraînement le 18 mai et vise un retour à la compétition le 8 juin, à huis clos et dans un petit nombre de stades pour limiter les déplacements.

Mais l'ancien joueur Gary Neville s'est insurgé mercredi à la télévision sur une approche "purement économique" alors que le risque sanitaire est réel : "Combien de gens doivent mourir en jouant au football en Premier League avant que cela devienne gênant ? Un joueur ? Un membre de staff en soins intensifs ?".

L'Espagne veut reprendre au plus vite

Les entraînements ont en revanche déjà repris en Espagne mais aucune date de reprise de la Liga n'a été évoquée. "Je ne comprends pas en quoi il y aura plus de risque à jouer des matches de football à huis clos, avec toutes les mesures de précaution, que de travailler sur une chaîne de montage ou sur un bateau de pêche en haute mer", a tonné Javier Tebas, le patron de la Liga, l'organe qui gère le football professionnel en Espagne.

Lui qui pousse pour reprendre au plus vite le championnat espagnol a assuré que le football professionnel pourrait "finir par disparaître" s'il n'est pas autorisé à reprendre "de manière sûre et contrôlée".

L'Allemagne devrait rejouer le 9 mai

La Ligue allemande de football a présenté un projet de reprise de la Bundesliga qui prévoit une reprise des matches à huis clos, des tests réguliers des joueurs et des mesures d’hygiène strictes dont la distanciation. Le ministère du Travail a déclaré le projet de reprise de la Bundesliga "acceptable en termes de santé au travail et de sécurité".

Alors que la Ligue de football allemand espère reprendre dès le 9 mai, le choix final est désormais entre les mains du gouvernement. Un besoin vital pour les clubs professionnels, en passe de perdre "750 millions d’euros tout compris" si la saison n’est pas bouclée, selon le patron du Borussia Dortmund, Hans-Joachim Watzke.

Au Portugal, le championnat pourra reprendre fin mai

Le championnat portugais de football pourra quant à lui reprendre le dernier week-end de mai, à huis clos et sous réserve de l'approbation prochaine d'un protocole sanitaire, a annoncé jeudi le gouvernement en présentant son plan de déconfinement. La possibilité d'une reprise de la Ligue nationale de première division, suspendue depuis la mi-mars en raison de la pandémie de coronavirus, et la tenue de la finale de la Coupe du Portugal sont "la seule exception" parmi des compétitions sportives qui restent par ailleurs interdites, a expliqué le Premier ministre Antonio Costa.

Cette reprise est conditionnée à la validation de la part des autorités sanitaires d'un protocole élaboré par la Ligue et à l'identification des stades réunissant les conditions nécessaires au respect de ce protocole, a-t-il précisé devant les médias. A dix journées de la fin du championnat, le FC Porto est en tête du classement avec un point d'avance sur le Benfica, le champion en titre. Braga et Sporting suivent loin derrière, respectivement à 13 et 15 longueurs du leader.

Benfica et Porto doivent reprendre leurs entrainements la semaine prochaine, mais attendaient l'annonce officielle de la reprise de la compétition pour préciser leur calendrier de retour au travail, qui devrait débuter par des séances d'entraînement individuel. Les deux clubs doivent s'affronter aussi en finale de la Coupe du Portugal, un match qui devait avoir lieu le 24 mai avant d'être reporté.

Au-delà des enjeux sportifs pour un pays féru de football, mais qui n'a plus aucune équipe engagée en coupes d'Europe cette saison, la suspension des compétitions représente aussi un défi économique pour le football portugais. Un de ses plus importants sponsors, le groupe de télécoms et de médias Altice a par exemple fait valoir une cause contractuelle pour suspendre ses versements aux clubs de première et deuxième divisions.

Le Sporting Portugal, dont la situation financière était déjà fragile avant la crise sanitaire, a réduit de 40% les salaires de ses joueurs et placé la quasi-totalité de ses salariés au chômage partiel à partir de la mi-avril.