Situation compliquée pour Uber. Le service de VTC doit faire face à un nouveau coup dur avec l'annonce, mardi, du piratage des données personnelles de plus de 57 millions de clients et chauffeurs. Une difficulté supplémentaire après plusieurs mois de scandales et de polémiques qui ont forcé le fondateur et CEO, Travis Kalanick, à démissionner avant l'été. Près de quatre mois plus tard, la nouvelle direction doit encore faire face aux mauvaises décisions de l'équipe précédente.
Scandales en cascade
Uber a accumulé tellement de scandales au cours des derniers mois qu'il devient difficile de savoir à quel moment les mauvaises nouvelles ont commencé à arriver. La croissance fulgurante de la société fondée par Travis Kalanick en 2009 ne semble en effet pas lui avoir permis de prendre le temps nécessaire à certaines réflexions. Mais c'est à partir de février que la situation se complique sérieusement. Uber doit alors faire face à des accusations de harcèlement sexuel de la part de certains cadres. Une ancienne ingénieure de la société accuse en effet ses supérieurs d'avoir bloqué, sans raison, sa promotion après qu'elle soit allée se plaindre des agissements déplacés d'un de ses responsables.
Moins de dix jours plus tard, début mars, c'est le fondateur de l'entreprise qui fait la Une de la presse. Une vidéo publiée par Bloomberg le montre en pleine altercation avec un chauffeur. Interpellé sur la hausse des commissions prélevées par l'entreprise et après un échange tendu, Travis Kalanick se montre particulièrement méprisant. "Vous savez quoi ? Certaines personnes refusent de prendre leurs responsabilités pour leur merde. Ils mettent tous leurs ennuis sur le dos de quelqu’un d’autre. Bonne chance", lance-t-il au conducteur. Une scène qui provoque un tollé et pousse le fondateur à s'excuser quelques jours plus tard dans un mail et à promettre de "travailler sur ses qualités de leader".
Mais il est déjà trop tard, tout au long des semaines suivantes, les témoignages sur les méthodes de management de Travis Kalanick, extrêmement violentes, se multiplient. Surtout, au même moment le New York Times dans plusieurs articles l'utilisation par Uber de logiciels espions. Le premier, Greyball, révélé dans un article en mars, permet aux chauffeurs de la société d'éviter les forces de l'ordre. Moins de deux mois plus tard, dans un portrait du CEO titré "jouer avec le feu", le quotidien américain affirme que l'entreprise suivait les utilisateurs d'iPhone ayant l'application Uber une fois leur course terminée, y compris si l'application était désinstallée. Une pratique qui a valu au fondateur du service de VTC une convocation dans le bureau du CEO d'Apple, Tim Cook, et une injonction à stopper cette pratique sous peine de voir son application supprimée de l'App Store.
Exode des cadres
A la même période, les articles faisant écho du départ d'importants cadres d'Uber se multiplient dans la presse américaine. Au total plus d'une dizaine de responsables sont partis en moins de six mois. Pèle mêle, le responsable de l’ingénierie, le vice-président en charge du développement avant le responsable de la voiture autonome et celui de l'intelligence artificielle cinq jours plus tard s’en vont. Le 15 mars, c'est l'un des plus vieux ingénieurs de l'entreprise qui quitte le navire, suivi de près par le numéro deux de la société, Jeff Jones, seulement six mois après son arrivée.
Et les déclarations rassurantes de Travis Kalanick à l’époque ne changent rien, l'exode se poursuit au printemps. Le vice-président en charge de la cartographie, la directrice de la communication, le directeur financier, le responsable d'Uber en Europe, et le responsable de la société en Asie quittent également l'entreprise. En France aussi, plusieurs cadres ont démissionné et notamment le directeur de la communication, Grégoire Kopp, parti en juillet, que la start-up a le plus grand mal à remplacer depuis. Et si ces affaires ont pris de telles proportions, c'est notamment qu’Uber a tardé à réagir et à appliquer de vrais changements.
Travis Kalanick remercié
Mais après quelques mois d'enquête, Travis Kalanick est rattrapé par ses agissements. Le 13 juin, quelques jours après la publication des résultats d'une enquête interne sur les pratiques de harcèlement, le CEO annonce dans un mail interne sa décision de se mettre en retrait. "J'ai besoin de prendre du repos", explique-t-il aux salariés. "Je serai disponible si besoin pour les décisions les plus stratégiques, mais je vais faire en sorte de leur donner plus de pouvoir (aux managers, ndlr) pour que l'entreprise puisse mieux fonctionner", précisait-t-il.
Il n'aura cependant pas eu besoin de prendre plus de décision. Tout juste une semaine plus tard, le 21 juin, les actionnaires du service de VTC obtiennent le débarquement pur et simple du fondateur. "J'aime Uber plus que tout au monde et, dans cette période difficile de ma vie personnelle, j'ai accepté la demande des investisseurs de me retirer pour qu'Uber recommence à se développer plutôt que d'être parasité" par les difficultés, se justifie-t-il dans un communiqué.
Après plusieurs semaines de recherche, un nouveau patron est nommé. Dara Khosrowshahi, ancien dirigeant d'Expedia et ingénieur de formation, prend la tête d’une société en difficulté avec pour mission de lancer la reconquête. Une grande campagne de communication, dans laquelle l'entreprise explique avoir fait des erreurs, a notamment été diffusée dans plusieurs pays, dont la France. Le nouveau CEO a également réussi à calmer les investisseurs et à stopper l’hémorragie, mais il paye encore les errements de la précédente direction.
Jouer la transparence
Le nouveau patron doit en effet jongler avec certaines décisions et casseroles. Il a par exemple dû faire face à la suspension de l'autorisation d'opérer de la société à Londres. L'autorité de régulation reproche en effet à Uber son manque de réactivité dans la dénonciation de crimes dont ses chauffeurs seraient témoins et ses failles dans le contrôle du casier judiciaire de ses conducteurs. Et la dernière étape en date, mardi, a conduit le service de VTC a avoué un piratage des données de 57 millions de clients et chauffeurs que Travis Kalanick avait tenté de cacher en versant 100.000 dollars aux hackeurs.
Pour la société et son nouveau patron, l'enjeu dans les mois à venir va donc être de regagner la confiance des utilisateurs dont certains, au fil des révélations, ont arrêté d'utiliser le service et fermer leur compte. D'autant que les concurrents sont à l’affût. Aux Etats-Unis, Lyft a par exemple accéléré son développement au cours de l'année et commence à se développer à l'international.