On y est ! Les Bleus vont disputer dimanche soir la troisième finale de Coupe du monde de leur histoire, après 1998 (victoire sur le Brésil 3-0) et 2006 (défaite aux tirs au but contre l'Italie 1-1 a.p, 5-3 aux t.a.b). Les trois matches à élimination directe, huitièmes, quarts et demies, ont dessiné le profil d'une équipe tricolore réaliste et efficace, avec un match inoubliable face à l'Argentine (4-3) et deux qualifications plus (Uruguay) ou moins (Belgique) maîtrisées. En face d'eux, les joueurs de Didier Deschamps retrouveront dimanche au stade Loujniki de Moscou un pays novice à ce niveau, la Croatie, qui s'est débarrassée pour parvenir en finale du Danemark, de la Russie et de l'Angleterre, en disputant à chaque fois une prolongation.
Lilian Thuram : héros des Bleus, cauchemar croate. France-Croatie. Une telle affiche nous ramène inévitablement 20 ans en arrière quand, le 8 juillet 1998, Lilian Thuram avait inscrit un doublé (ses deux seuls buts en bleu !) pour envoyer l'équipe de France en finale de la Coupe du monde. Si la majorité des Bleus, très jeunes, ont peu ou pas de souvenirs de cet exploit, cette rencontre continue de hanter les Croates. "Cela a été le sujet de discussion des 20 dernières années !", a même déclaré le sélectionneur de la Croatie, Zlatko Dalic, après la demi-finale. "On venait de célébrer le but de Davor Suker mais, à peine assis, ils (les Bleus) avaient égalisé (dans la minute suivante, ndlr). Mais on ne cherche pas une revanche, c'est le football, et on ne se concentre que sur l'idée de tout faire pour offrir le meilleur match du tournoi lors de la finale." On ne cherche pas une revanche, vraiment ?
Les Bleus ont aussi quelque chose à exorciser. Si les Croates ont évidemment une défaite à oublier, c'est aussi le cas des Bleus. Elle ne date pas d'il y a 20 ans, mais d'il y a deux ans. Le 10 juillet 2016, l'équipe de France s'était incliné 1-0 contre le Portugal en finale de l'Euro après avoir éliminé l'Allemagne en demi-finales. "Les larmes ont séché mais c'est encore dans un petit coin de la tête et c'est tant mieux car ça doit servir pour dimanche", a réagi Blaise Matuidi vendredi. Son coéquipier Paul Pogba était dans le même état d'esprit la veille, dessinant même ce qui ressemble à un nuestra culpa. "Franchement, quand on a gagné contre l'Allemagne (2-0 en demi-finale, ndlr), on pensait que c'était ça la finale. Contre les Portugais, avec leur parcours, on s'est dit que c'était gagné d'avance, c'était ça notre erreur. Maintenant, ce n'est pas pareil, on est tous conscients, concentrés. On ne veut pas faire la même erreur."
Les Croates ont joué un match de plus. Une prolongation face au Danemark, une autre contre la Russie et une dernière face à l'Angleterre. La Croatie a disputé trois prolongations avant de parvenir en finale face à la France, fait unique dans l'histoire de la Coupe du monde. Trois prolongations de 30 minutes : si vous faites le compte, cela fait 90 minutes, soit l'équivalent d'un match entier.
"Les joueurs ont dépensé énormément d'énergie, mais on dirait que plus les circonstances sont difficiles, et mieux on joue", a assuré le sélectionneur croate, jeudi soir, en conférence de presse. "Il ne peut pas y avoir d'excuses, c'est une opportunité unique dans une vie, je suis sûr que nous allons trouver la force et la motivation." Jean-Claude Perrin, ancien préparateur physique de l'équipe de France de Coupe Davis, relève : "Ils ont des ressources mentales et physiques hors norme." Et le consultant d'Europe 1 d'ajouter : "Ces ressources physiques passent par une force mentale et nationaliste, c'est indéniable".
La Croatie, plus "petit" pays en finale depuis l'Uruguay. Zlatko Dalic a insisté dessus en conférence de presse : "On s'est invité dans les pages des livres d'histoire en étant la plus petite nation à se qualifier pour une finale de Coupe du monde, avec l'Uruguay (1930, 1950), et si vous regardez les infrastructures de notre pays, nous sommes un miracle", a-t-il insisté. Effectivement, la Croatie présente une superficie totale d'un peu moins de 57.000 km2 (contre un peu moins de 673.000 pour la France) pour une population d'un peu plus de quatre millions d'habitants (contre près de 68 millions en France). France (1998), Brésil (2002), Italie (2006), Espagne (2010) et Allemagne (2014) : la Croatie du duo Luka Modric-Ivan Rakitic peut rejoindre dimanche cette lignée de champions et imposer définitivement sur la carte du monde l'État des Balkans, indépendant depuis 1991 et l'éclatement de l'ex-Yougoslavie.
La France invaincue en cinq confrontations. France-Croatie, c'est surtout, mais ce n'est pas seulement la demi-finale du Mondial 1998. Ce fut là la première opposition entre les deux équipes, qui se sont affrontées quatre fois depuis, mais une seule fois en compétition. C'était lors du premier tour de l'Euro 2004 et les deux équipes avaient fait match nul (2-2), avec des buts d'Igor Tudor contre son camp et de David Trezeguet pour les Bleus. Le dernier France-Croatie, en amical, en 2011, a également débouché sur un nul (0-0). Les deux autres matches amicaux, la France les a emportés : 3-0 en novembre 1999 au Stade de France (buts de Robert Pirès, Florian Maurice et Tony Vairelles) et 2-0 à Zagreb en mai 2000 (Pirès et Trezeguet). Le bilan est donc à l'avantage de la France, avec trois victoires et deux nuls en cinq matches. Le sixième est très attendu…