100% de plastique recyclé : est-ce envisageable et réellement souhaitable ?

Seulement 10 % du plastique neuf mis sur le marché est issu du recyclage (Illustration).
Seulement 10 % du plastique neuf mis sur le marché est issu du recyclage (Illustration). © VALERIA MONGELLI / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
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Maxime Asseo
À l’échelle européenne, seulement 10 % du plastique neuf mis sur le marché est issu du recyclage. Divers aspects expliquent qu’on soit encore loin de tendre vers le 100 % de plastique recyclable. Cependant, cet objectif est-il envisageable et réellement souhaitable ?

2,3 millions de tonnes de plastiques produits en 1950, 460 millions de tonnes aujourd’hui. Avec une production annuelle multipliée par 200 en 70 ans, le plastique est omniprésent dans notre quotidien, y compris dans les océans et parfois dans notre corps. Pratique et peu coûteux à la production, il est devenu un véritable fléau pour l’environnement. La collecte, le tri et le recyclage sont donc essentiels pour contrer la pollution plastique, mais restent pour l’heure insuffisants au regard de la quantité de plastique vierge (ou plastique de premier usage) produite.

 

"Au niveau européen, par rapport à la quantité totale de plastique neuf mis sur le marché chaque année, environ 10 % sont issus du recyclage", avance Enzo Muttini, ingénieur et co-fondateur de M. et Mme Recyclage, un bureau d’étude spécialisé. Des chiffres confirmés par Sophie Sicard, directrice adjointe développement durable chez Paprec, qui ajoute : "Sur les emballages, on est à un taux de recyclage aux alentours des 25 %".

Les faiblesses dans le recyclage du plastique

Des données relativement faibles, symptomatiques de certaines carences au niveau de la collecte et du tri des déchets. "Il est fréquent de voir des déchets recyclables jetés dans les poubelles non-recyclables et finir à l’incinérateur ou à l’enfouissement. Certains immeubles, notamment à Paris, n’ont même pas de poubelles de tri", affirme Enzo Muttini à propos des emballages, pendant que d’autres objets ou types de plastiques, n'ont même pas de circuits de collecte et de tri dédiés".

 

Selon Sophie Sicard, le manque de prise en compte de l’éco-conception – intégrer l’idée de développement durable et de recyclage dans la conception de produits – justifie aussi la faiblesse des taux de recyclage. "Si les emballages ne sont pas conçus pour être recyclables, ça pose un problème. Par exemple, les objets composés de plusieurs plastiques pour des questions pratiques, sont impossibles à recycler. Dans le processus de recyclage, ils ne fondent pas à la même température et la séparation des différents plastiques d’un seul objet est irréalisable".

Le dernier frein au recyclage, et non des moindres, concerne les prix du plastique vierge. "Trop bon marché", selon Sophie Sicard. Les pays qui le fabriquent à moindre coût, grâce à un pétrole et une main d’œuvre peu coûteuse comme la Chine et l’Arabie Saoudite, "font baisser les prix pour maintenir la demande, pendant que nous recyclons avec des coûts européens plus élevés". Les demandeurs de plastique, pour qui le recyclé devrait être moins cher, vont donc naturellement aller vers le plus abordable. "C’est une concurrence déloyale", dénonce Sophie Sicard.

Le 100% de plastique recyclé, est-ce souhaitable ?

Dans une situation où ces problématiques venaient à être résolues via diverses obligations ou réglementations, se pose alors la question de savoir s’il est réellement souhaitable d’arriver à 100% de plastique recyclable. "Déjà, il est impossible d’arriver à 100% à cause des pertes et des loupés lors des phases de recyclage. On serait plutôt autour des 90/95%. Il est donc important d’utiliser le terme : tendre vers le 100%", tient à préciser Sophie Sicard. Selon elle, il est possible et souhaitable de tendre vers le 100% puisque l’impact carbone du plastique recyclé "est réduit au minimum des 2/3" comparé à la fabrication du vierge. Enzo Muttini va dans le même sens : "Cette pollution est encore plus minime comparée à celle de l’incinération du plastique non-recyclé".

 

Pourtant Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) tient à nuancer et souhaite mettre en lumière la confusion autour du terme recyclage. Au sens littéral du terme, il consiste à retransformer un objet en un objet identique. Actuellement, "moins de 1% de nos déchets plastiques sont réellement recyclables" : les bouteilles en PET. Le reste, c’est du décyclage. Inclus à tort dans l’idée de recyclage, son objectif se résume "à transformer du plastique dégradé en un autre objet. Des bouteilles en chaises par exemple".

Un procédé problématique selon la directrice de recherche, puisqu’il ne contribue pas à réduire la consommation de plastique, au contraire, "il la pérennise". "Dans certaines utilisations, on fait disparaître des matériaux qui ne posaient pas de soucis environnementaux comme la laine ou le bois pour les remplacer par du plastique décyclé, sans pour autant réduire la production de plastique vierge". Et le plastique dans sa globalité "pollue tout au long de son usage en se dégradant en micro et nanoparticules".

Avec le recyclage plastique à proprement parler, la problématique des nanoparticules persiste, mais il a le mérite de pouvoir réduire la consommation de plastique. Pourtant, on est encore loin de savoir recycler toutes ses variantes : "On n’est qu’à 1%, comment peut-on imaginer tendre vers les 100 % dans un délai raisonnable ?", questionne Nathalie Gontard. Même si le zéro plastique est "utopique", la priorité n°1 reste donc "de réduire au maximum notre consommation de plastique, de conserver son usage au strict minimum et d’utiliser les techniques de recyclage uniquement pour les plastiques vraiment utiles". Avec le plastique, "c’est la dose qui fait le poison », conclut la directrice de recherche.