Les chercheurs de l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) et de l'Université de Lausanne (Suisse) ont étudié la proportion d'espèces vivant dans des conditions proches des limites climatiques actuellement admises sur Terre, c'est-à-dire -70°C en Antarctique et +48°C à l'équateur. Ces limites climatiques n'ont pas toujours été les mêmes. "Il y a 130.000 ans, la Terre était plus chaude, de 3 à 4 degrés", souligne Mathieu Chevalier, chercheur en écologie marine à l'Ifremer.
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Or "ce que nous disent les études paléo-écologiques, c'est que plein d'espèces sont probablement capables de survivre à des températures plus élevées que celles qui existent actuellement. Potentiellement, on a des espèces préadaptées à des températures plus chaudes", développe le chercheur. Selon lui, les limites actuelles ne seraient "pas de vraies limites écologiques" pour certaines espèces.
En analysant les niches écologiques de 25.000 espèces terrestres et marines (animales et végétales), les chercheurs ont constaté que 49% de ces espèces vivaient dans des niches proches des limites climatiques actuelles. Or parmi ces espèces, beaucoup ont une niche écologique susceptible de bénéficier du réchauffement climatique, à condition qu'elles soient bien préadaptées à des températures plus chaudes.
Le principe de préadaptation
"Lorsqu'une espèce est marquée par des conditions climatiques, elle garde une préadaptation à ces conditions qui peut perdurer sur des milliers voire des millions d'années. Si son habitat évolue vers un climat que l'espèce a déjà connu par le passé, cette préadaptation lui offrira alors une tolérance à ces nouvelles conditions climatiques", explique Antoine Guisan, professeur d'écologie spatiale à l'Université de Lausanne, cité dans un communiqué.
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Grâce à cette préadaptation, la perte de biodiversité due au réchauffement climatique serait ainsi moins forte que prévu pour les espèces tropicales, dont la niche écologique serait potentiellement plus large que les limites climatiques actuelles. Dans les zones tropicales, les modèles statistiques traditionnels prédisent ainsi une disparition massive de la biodiversité, allant jusqu'à 54% des espèces terrestres d'ici à 2041-2060. "Notre modèle relativise ce pronostic" en prédisant une diminution de 39% de la biodiversité, relève M. Chevalier.
Les auteurs soulignent cependant que cette estimation de la biodiversité menacée reste "alarmante" et ne prend pas en compte les autres facteurs d'extinction des espèces: perte d'habitats, pollution, surexploitation, invasions biologiques.