"Ne pas voler jusqu'à Dubaï pour des miettes" : loin de la COP28 aux Émirats arabes unis, une "COP alternative" a débuté jeudi à Bordeaux autour d'un collectif de scientifiques mobilisés pour "lutter contre le sentiment d'impuissance". Jusqu'à dimanche, une centaine de "Scientifiques en rébellion" doivent participer à des tables rondes, débats, actions et même à un procès fictif du groupe pétrolier TotalEnergies, afin de "mettre la pression sur les négociations" sur le climat et la transition énergétique qui se déroulent jusqu'au 12 décembre à Dubaï sous l'égide de l'ONU.
"Les COP jouent leur rôle, mais ne sont pas assez à la hauteur de l'urgence. On propose donc d'ouvrir des espaces de discussion. Ce week-end est symbolique, on ne va pas voler à Dubaï, continuer à avoir des miettes", explique à l'AFP Romain Grard, qui coorganise l'événement. Vêtus de blouses blanches, les scientifiques sont allés à la rencontre du public à la Base sous-marine du port de Bordeaux, où a été déployée une ample baudruche sombre munie d'une fausse mèche, avec le slogan : "Bombe climatique : qui sont les vrais écoterroristes ?"
"Enlevez les lobbies et tout ira mieux !"
Plusieurs chercheurs interrogés à l'ouverture de l'événement ont reconnu le rôle "utile" des COP successives pour "poser sur la table le problème climatique". Mais le fait que la COP28 soit présidée par Sultan Al Jaber, directeur général de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, ne passe pas. "Le cœur de son intérêt privé, c'est la production des énergies fossiles", déplore Stéphanie Mariette, généticienne à l'Inrae.
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"C'est une bonne idée de se retrouver une fois chaque année pour discuter ensemble", considère Wolfgang Cramer, directeur de recherche au CNRS, géographe environnemental et contributeur au rapport 2022 du GIEC. "Mais les COP ont été trop mises sous l'influence des lobbies industriels et cette COP est l'exemple le plus flagrant. Enlevez les lobbies et tout ira mieux !" Sylvain Kuppel, hydrologue dans un laboratoire de recherche à Toulouse, réclame une remise en question du dogme de la croissance qui conditionne, selon lui, le débat sur les réductions d'émissions polluantes. Et il pointe l'impuissance des COP, qui produisent des résolutions "molles".
"L'accord de Kyoto en 1997, les accords de Paris en 2015 ont été annoncés à grandes larmes, mais ce sont des accords qui ne sont pas contraignants", ajoute-t-il en déplorant des "effets d'annonce". Pour lui, cette "COP alternative" fait figure, à l'inverse, de "colloque informel, scientifique, avec une résonance immédiate". Ce rassemblement "permet de lutter contre le sentiment d'impuissance", abonde Stéphanie Mariette.