L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), jugée en tant que personne morale, a été condamnée mercredi à une amende de 50.000 euros pour harcèlement moral après le suicide en 2015 d'un cardiologue de l'hôpital Georges-Pompidou. "L'AP-HP ne s'est jamais opposée à ce qui a été mis en œuvre pour isoler le professeur (Jean-Louis) Mégnien", a déclaré la présidente du tribunal lors du délibéré.
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Cette décision est conforme aux réquisitions du ministère public qui avait réclamé en juillet une peine "mesurée" en faisant valoir qu'il s'agissait d'un "dossier individuel" et pas de "harcèlement institutionnel".
Une décision "incompréhensible", selon l'avocat de l'AP-HP
Mario Stasi, l'avocat de l'AP-HP, a qualifié cette décision de "fort contestable en droit et en fait" et d'"incompréhensible", précisant que l'institution faisait appel. "En aucune manière l'établissement et la directrice n'ont (...) organisé ni laisser s'organiser un processus de harcèlement moral qui aurait conduit au suicide du professeur Jean-Louis Megnien", a précisé l'AP-HP dans un communiqué. L'hôpital et sa directrice n'ont fait que "chercher à mettre fin à un long conflit au sein d'une équipe médicale", a-t-elle estimé.
Dans l'après-midi du 17 décembre 2015, Jean-Louis Mégnien, un professeur en cardiologie de 54 ans, s'était jeté par la fenêtre du 7e étage de l'hôpital européen Georges-Pompidou. Il avait repris le travail trois jours plus tôt, après neuf mois d'arrêt maladie. Son épouse avait déposé une plainte auprès du parquet de Paris qui avait ouvert une enquête pour harcèlement moral, puis une information judiciaire en février 2016.
Des avertissements qui n'ont pas été pris en compte
Des collègues de ce père de cinq enfants avaient rapporté sa "descente aux enfers progressive" depuis deux ans. Les "maltraitances" et "manœuvres" de ses supérieurs pour que le poste de chef de service de médecine préventive cardio-vasculaire qu'il convoitait lui échappe et l'organisation de sa "placardisation". Ils avaient assuré qu'un avertissement sur la souffrance de ce médecin et ses risques suicidaires n'avait pas été pris en compte.
"Il a été volontairement isolé, poussé à la faute", a souligné la présidente du tribunal, "et ces faits de harcèlement ne sont intervenus que par l'action collective de l'AP-HP, la directrice ou par des professeurs". "Le tribunal a pris l'exacte mesure de la gravité des faits" et souligné "le caractère collectif du harcèlement qui impliquait toute une ligne hiérarchique jusqu'à la personne morale", a réagi auprès de l'AFP Christelle Mazza, avocate de la famille du professeur. "C'est un signe fort envoyé au monde médical et à l'institution hospitalière."
Principal prévenu dans ce dossier, le professeur Alain S. a été condamné à huit mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende, tout comme l'ancienne directrice de l'hôpital de l'époque Anne Costa. Deux autres professeurs ont aussi été condamnés : quatre mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende pour le premier et 5.000 euros d'amende pour le second. Marie Burguburu, qui défend Alain S., a indiqué à l'AFP que son client allait faire appel.