Huit personnes jugées pour leur implication dans l'assassinat de Samuel Paty

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avec l'AFP / Crédits photo : PASCAL GUYOT / AFP

Il avait été assassiné le 16 octobre 2020 pour avoir montré une caricature de Mahomet à ses élèves du collège Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. A partir du lundi 4 novembre, le procès aux Assises s'ouvrira pour juger les huit personnes pour leur implication dans l'assassinat de ce professeur d'histoire-géographie. 

Quatre ans après l'assassinat du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty par un jeune islamiste radical, la cour d'assises spéciale de Paris va juger à partir de lundi sept hommes et une femme impliqués dans la campagne de haine et d'intimidation qui a précédé le crime. L'assassin, Abdoullakh Anzorov, un jeune Russe de 18 ans d'origine tchétchène, bénéficiaire du statut de demandeur d'asile en France, sera le grand absent du procès : il a été tué par la police peu après son acte.

 

Avant sa mort, Samuel Paty, 47 ans, professeur du collège du Bois-d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a été la cible d'une intense campagne de cyberharcèlement. À l'origine, il y a le mensonge d'une élève de 13 ans accusant à tort le professeur Paty de discrimination envers les musulmans. En réalité, elle n'avait pas assisté au cours d'histoire-géographie et son mensonge, repris massivement sur les réseaux sociaux par des adultes peu scrupuleux, a conduit à la "mise à mort", selon les mots du Parquet national antiterroriste (Pnat), de Samuel Paty .

La jeune fille et cinq autres ex-collégiens ont été condamnés l'automne dernier à des peines allant de 14 mois avec sursis à deux ans dont six mois ferme à l'issue d'un procès à huis clos devant le tribunal pour enfants. Virginie Le Roy, avocate de la famille Paty, avait regretté une audience "décevante" avec "des réponses (qui) ont manqué aux familles". Le procès qui s'ouvre lundi en apportera-t-il plus ?

"La mécanique tragique qui a abouti au martyr de Samuel Paty révèle la profondeur de l'entrisme islamiste en France, et sa porosité avec le terrorisme. Son exposition en détail en audience publique doit non seulement aboutir à la condamnation sévère de ceux qui y ont concouru, mais aussi permettre une prise de conscience de notre société face à un péril mortel", souhaitent Mes Thibault de Montbrial et Pauline Ragot, avocats de Mickaëlle Paty, la sœur du professeur assassiné.

Le père de la collégienne, Brahim Chnina, Marocain de 52 ans, sera l'un des principaux accusés au côté du militant islamiste franco-marocain Abdelhakim Sefrioui, 65 ans. Les deux hommes, en détention provisoire depuis quatre ans, ont relayé, selon l'accusation, les mensonges de l'adolescente sur les réseaux sociaux, déclenchant une déferlante de haine à l'encontre du professeur. Poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, ils encourent 30 ans de réclusion criminelle .

"Mon client entend s'expliquer sur le fond du dossier et démontrer qu'il n'a absolument aucun lien de près ou de loin avec cet attentat odieux qu'il condamne depuis le premier jour", explique Me Ouadie Elhamamouchi, l'avocat d'Abdelhakim Sefrioui. Deux amis d'Anzorov, Naïm Boudaoud, 22 ans, et le Russe d'origine tchétchène Azim Epsirkhanov, 23 ans, comparaissent pour complicité d'assassinat terroriste, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

La veille de l'attentat, ils ont notamment accompagné Anzorov dans une coutellerie de Rouen pour l'achat d'un couteau correspondant à celui retrouvé à proximité de son cadavre. Naïm Boudaoud était aussi avec Anzorov pour l'achat, quelques heures avant le crime, de deux pistolets Airsoft et des billes d'acier dans un magasin de Cergy. "Près de trois ans d'information judiciaire n'ont jamais permis d'établir que Naïm Boudaoud avait connaissance du moindre projet criminel de l'assaillant", déclarent à l'AFP Mes Adel Fares et Hiba Rizkallah, qui contestent "la complicité" de leur client.

"L'analyse faussée du dossier qui a eu cours jusqu'alors ne pourra résister aux preuves objectives qui seront débattues à l'audience", estiment les avocats. La cour jugera également trois personnes qui appartenaient à des groupes Snapchat gravitant autour d'Abdoullakh Anzorov. Le Turc Yusuf Cinar, le Russe d'origine tchétchène Ismaïl Gamaev et le Réunionnais Louqmane Ingar, tous trois âgés de 22 ans, ont selon l'accusation échangé des messages à contenus jihadistes avec Anzorov.

Yusuf Cinar était au moment des faits "un jeune homme de 18 ans, déscolarisé et dans un état de fragilité important. Non seulement il n'a jamais eu connaissance du projet du terroriste, mais il n'a jamais approuvé l'acte commis, ni partagé une quelconque idéologie radicale", indique son avocate, Me Lucile Collot. Seule femme parmi les accusés, Priscilla Mangel, 36 ans, connue pour appartenir à la mouvance islamiste radicale, a "conforté" Anzorov dans son projet même si elle n'en connaissait pas la nature, assure l'accusation.

Le procès sera aussi l'occasion d'évoquer Samuel Paty, un homme "esseulé, apeuré, aux abois", selon les magistrats instructeurs. "Je suis menacé par des islamistes locaux", écrit-il à ses collègues le 10 octobre 2020, quatre jours après son cours sur la liberté d'expression. Triste symbole du sentiment d'insécurité qui l'habitait, un dérisoire marteau a été découvert dans son sac à dos après son assassinat. Le procès est prévu jusqu'au 20 décembre.